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précis, nets « pour fournir à l’individu une protection adéquate contre
l’arbitraire » (ibid.) »1.
Deux arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme ont condamné la
France pour atteinte au droit au respect de la vie privée CEDH, arrêté Kruslin et
époux Huvig c/ France, 24 avril 1990. Il s’agissait seulement de la deuxième fois
que la France était condamnée pour non-respect de la Convention européenne des
droits de l’homme à la demande d’un particulier.
En effet, si le droit français remplissait la condition d’accessibilité de la loi,
puisque tout citoyen pouvait connaître les règles juridiques relatives aux écoutes, la
condition de prévisibilité n’était en revanche pas remplie aux yeux de la Cour.
Même si le gouvernement français avait énuméré une liste de dix-sept garanties
pour faire juger le contraire. Tout en reconnaissant leur existence, la Cour a alors
souligné deux insuffisances dans le dispositif français : d’une part, le caractère
fragmentaire de la jurisprudence ; d’autre part et surtout, l’absence de règles sur des
points substantiels : les catégories de personnes ou d’infractions susceptibles de
donner lieu à des écoutes, les limites à la durée de la mesure, les conditions
d’établissement des procès-verbaux, leur contrôle, leur destruction après non-lieu
ou acquittement. En conséquence, la Cour a considéré que, du fait de l’imprécision
de son droit pour encadrer l’ingérence dans la vie privée des citoyens, la France ne
s’était pas conformée aux exigences de l’article 8 de la Convention.
C’est pour faire face aux conséquences de cet arrêt que la première pierre
du dispositif de contrôle de l’activité des services de renseignement fut posée par la
loi n° 91-646 du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par
la voie des télécommunications, qui a soumis les interceptions de sécurité à une
procédure d’autorisation préalable du Premier ministre et à un contrôle, initialement
a posteriori, d’une commission indépendante, la commission nationale de contrôle
des interceptions de sécurité (CNCIS).
Ainsi que l’a rappelé le précédent rapport de la DPR, c’est notamment le
risque d’une nouvelle condamnation de la France par la Cour européenne des droits
de l’homme qui a conduit à l’élaboration de la loi n° 2015-912 du 24 juillet 2015
relative au renseignement.
B. UN CONTRÔLE DE LA CJUE LIÉ AUX OBLIGATIONS REPOSANT SUR LA
CONSERVATION DES DONNÉES PERSONNELLES
L’intervention de la CJUE en matière de données conservées aux fins de
renseignement se fonde sur la directive dite ePrivacy de 2002 ; elle a rendu un arrêt
de 2016 dit Tele2, qui pose le principe de l’interdiction de la conservation
généralisée et indifférenciée des données de trafic et de localisation (i.e. des données
1
Jean Pradel « Une condamnation des écoutes téléphoniques à la française par la Cour européenne des droits
de l'homme », Recueil Dalloz 1990 p. 353