CNCIS – 21e rapport d’activité 2012-2013
mandat de leurs membres, voire à l’impossibilité pour le Gouvernement
d’opposer un veto aux décisions prises 1.
L’ensemble de ces critères participent donc à la recherche d’une
absolue impartialité en même temps que leur usage témoigne d’une
certaine méfiance tant à l’égard du pouvoir politique qu’administratif
ou même judiciaire – l’un des objectifs étant d’éviter de recourir à des
magistrats (Jean-Pierre Chevènement le suggère en creux en employant
une comparaison au conditionnel : « Comme le feraient les magistrats »).
Dans cette logique, les premières AAI furent dédiées à la protection des
libertés fondamentales, à l’instar de la CNIL ou de la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA). Fort laudateur à leur sujet,
René Rémond y voyait « autant de dispositions qui concourent à faire
régresser l’empire du secret et à contrarier l’arbitraire 2 ». Après l’alternance de 1981, elles furent utilisées dans le domaine de la presse et de
l’audiovisuel à cette même fin, que reconnaîtra le Conseil constitutionnel en qualifiant la Haute Autorité de la communication audiovisuelle de
« garantie fondamentale pour l’exercice d’une liberté publique 3 ».
Aujourd’hui très sollicitées en matière de régulation économique 4,
elles n’en continuent pas moins d’incarner une solution adaptée aux
enjeux liés au respect des libertés fondamentales (citons par exemple,
au-delà de la création de la CNCIS en 1991, celle de la Commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN) en 1998, du Contrôleur
général des lieux de privation de liberté en 2007 ou du Défenseur des
droits en 2011…).
En matière d’écoutes téléphoniques, sous la pression conjointe de
condamnations de la France par la CEDH, de l’arrêt précité de la Cour de
cassation ou de faits divers (affaire du pasteur Doucé…), le gouvernement
de Michel Rocard décida de mettre en application les préconisations du
rapport Schmelck, qui n’avait jamais été rendu public. Il se rangea donc
à l’idée d’instituer une autorité administrative dénommée Commission
nationale de contrôle des interceptions de sécurité. Le rapport Schmelck
justifiait ainsi ce choix (après avoir écarté l’option du juge judiciaire pour
les raisons précédemment évoquées) : « Dans le domaine des écoutes
téléphoniques, qui est politiquement très délicat et où les abus potentiels
sont considérables, l’existence d’une instance indépendante, exerçant
a posteriori un contrôle sur l’action des autorités responsables paraît de
1) Éléments évoqués dans le rapport précité, p. 291-3. Le dernier point paraît sujet à caution, notamment pour ce qui concerne la CNCIS.
2) In René Rémond, Histoire de France, tome 6 : Le siècle dernier (1918-2002), Paris, Fayard,
2003, p. 779.
3) Décision no 84-173 DC du 26 juillet 1984.
4) Le Conseil d’État (in Rapport public 2001…, op. cit., p. 267) estime qu’il s’agit d’un
domaine privilégié d’intervention des AAI.
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