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procès aux services de renseignement que de penser que lorsqu’ils n’obtiennent
pas d’autorisation de recourir à une technique de renseignement applicable à un
citoyen français, ils font appel aux services américains. De fait, la mission même
des services de renseignement français est de défendre l’autonomie stratégique
de la France et donc de prémunir les Français contre les tentatives
d’espionnages d’États étrangers. C’est donc aussi une question de fierté pour les
services : un service français n’ira pas demander à un service étranger de faire le
travail à sa place.
La CNCTR l’a souligné elle-même lors de la cérémonie des vœux
organisée par le GIC en janvier dernier : certes, des erreurs ont pu être
commises par les services mais il s’agissait soit d’erreurs techniques, soit
d’erreurs liées à une mauvaise compréhension. En aucun cas n’ont été relevés
des cas de violations délibérées du cadre légal français. Interrogé sur le sujet par le
président de la mission d’information, M. Francis Delon a admis qu’il « n’avait
pas d’éléments » lui permettant de penser que des services français seraient
susceptibles d’utiliser la coopération avec des services étrangers pour contourner
la loi française ou pour blanchir des informations recueillies de manière illégale.
M. Francis Delon a indiqué qu’il « ne portait aucune accusation à cet égard ».
● Une proposition qui soulèverait des
d’application au regard de la règle du tiers service

difficultés

majeures

Raison centrale pour laquelle la mission s’oppose à cette proposition, la
mise en application de cette dernière se heurte à la règle du tiers service.
Principe cardinal de la coopération internationale entre services de
renseignement, la règle du tiers service « interdit la transmission à une tierce
partie, sans autorisation de l’émetteur, d’un renseignement reçu d’un
partenaire » (1). Si les services étrangers partenaires, qui font confiance aux
services français, apprenaient que l’utilisation des informations qu’ils leur
transmettent doit être soumise au contrôle de la CNCTR, ils préféreraient sans nul
doute assécher ce canal d’information (2).
Lors de leurs auditions, M. Bernard Émié, directeur général de la sécurité
extérieure, et le général Éric Bucquet, directeur de la DRSD, ont beaucoup insisté
sur la nécessité impérieuse, pour les services de renseignement, d’assurer la
protection de leurs sources – et donc le plein respect de la règle du tiers
service – qui conditionne l’efficacité des directions du renseignement : la
coopération internationale, qui vise essentiellement à lutter contre le terrorisme,
est fondée sur une confiance « longue à gagner et rapide à perdre », a indiqué le
(1) Cf. Renseigner les démocraties, renseigner en démocratie, Jean-Claude Cousseran et Philippe Hayez, Odile
Jacob, 2015.
(2) On peut à cet égard citer l’exemple d’un service belge de renseignement qui a été placé en 2003 sous
l’autorité du ministère de la justice et le contrôle étroit d’une commission de magistrats. Une telle évolution
a entraîné l’arrêt immédiat des communications d’informations, en provenance des partenaires européens
et en direction des services belges de renseignement, ce qui a naturellement été très handicapant pour la
Belgique. Les échanges ont repris depuis car la Belgique a fait évoluer son dispositif.

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