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● Une question n’ayant pas été discutée lors du débat préalable à
l’adoption de la loi de 2015
La CNCTR voit dans le non-traitement de cette question une véritable
lacune de la loi, rappelant que « lors de la discussion parlementaire sur le projet
de loi relatif au renseignement en 2015, le sujet des échanges de données entre les
services de renseignement français et leurs partenaires étrangers n’a presque pas
été abordé. La rédaction de l’article L. 833-2 du code de la sécurité intérieure
résulte d’un amendement adopté en première lecture du projet de loi par
l’Assemblée nationale, lors de l’examen du texte en commission des lois. Conçu
comme un élargissement des pouvoirs de la CNCTR, à laquelle était désormais
attribuée une faculté de demander au Premier ministre communication de tous
éléments nécessaires à ses missions, l’amendement n’a fait l’objet d’aucun débat
sur l’exclusion des " flux entrants " de son champ d’application. L’éventualité
d’un encadrement spécifique des échanges internationaux de renseignements n’a
pas non plus été réellement examinée. »
● Des échanges dont la CNCTR ne remet en cause ni la légitimité ni le
caractère sensible
La CNCTR ne remet évidemment pas en cause la légitimité de ces
échanges puisqu’elle rappelle que « la prévention des menaces communes,
notamment terroristes, auxquelles sont confrontés la France et ses alliés justifie
l’existence d’une intense coopération entre services de renseignement de ces
différents pays ».
La commission nationale de contrôle reconnaît aussi la sensibilité du
sujet : « Par nature très sensible et participant de la souveraineté de l’État dans la
conduite de sa politique étrangère, la coopération internationale entre services de
renseignement a vocation, comme le reste des activités de ces services, à
demeurer couverte par le secret. Une gestion imprudente des données échangées
pourrait entraîner notamment de graves complications diplomatiques ou une perte
de crédibilité des services français nuisant à leur action. Une coutume, dite du
" tiers service ", est à cet égard souvent invoquée pour justifier qu’un service de
renseignement recevant des données d’un partenaire étranger s’interdise, sauf
autorisation de ce partenaire, de communiquer les données à un troisième
organe. »
● La CNCTR se demande si les échanges internationaux ne sont pas
susceptibles de porter atteinte à la vie privée des Français
S’appuyant sur la définition légale de son champ de compétence, la
CNCTR se demande dans son rapport public de 2018 si les flux – aussi bien
sortants qu’entrants – de renseignements ne seraient pas « susceptibles de
comprendre des données dont le recueil, l’exploitation et la conservation entrent
dans le champ d’application (…) du cadre légal institué en 2015 ».