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– enfin, si, compte tenu des garanties entourant l’accès des services de
renseignement aux données de connexion à des fins de sécurité nationale, les
modalités de recueil de renseignement régies par les articles L. 851-1 à L. 851-4
du CSI sont conformes au droit de l’Union.
Selon leur libellé, ces questions invitaient la CJUE à réviser les principes
dégagés par sa jurisprudence, en particulier dans l’arrêt Tele2. Dans le cadre de
cette instance, le Gouvernement français a soutenu, à titre principal, que les
dispositifs en cause dans ces affaires n’étaient pas régis par le droit de
l’Union dès lors qu’ils avaient notamment pour finalité de sauvegarder la
sécurité nationale, laquelle relève de la seule compétence des États membres
en application de l’article 4, paragraphe 2, du Traité sur l’Union européenne.
À titre subsidiaire, le Gouvernement français s’est efforcé de démontrer à la Cour
la conformité au droit de l’Union des dispositifs de conservation et d’accès aux
données personnelles en cause, moyennant, à tout le moins, une réinterprétation de
la jurisprudence Tele2, au regard, entre autres, de la jurisprudence moins
restrictive de la Cour européenne des droits de l’homme.
4. Les conclusions rendues par l’avocat général de la CJUE à la suite de
ces renvois préjudiciels sont décevantes mais témoignent d’un
infléchissement par rapport à l’arrêt Tele2
L’avocat général Campos-Sanchez Bordona a rendu le 15 janvier dernier
des conclusions, s’agissant des questions préjudicielles posées par le Conseil
d’État.
a. La réaffirmation du raisonnement suivi par la CJUE
Ces conclusions se bornent pour l’essentiel à réaffirmer le raisonnement
suivi par la CJUE dans son arrêt Tele2 sans réfuter de manière convaincante
l’argumentaire développé par les États membres et la Commission en faveur de sa
révision. Si l’avocat général semble avoir entendu les critiques des États
membres sur la conservation ciblée et admet l’importance vitale de la
conservation des données de connexion pour la protection de la sécurité
publique et la lutte contre la criminalité, ses conclusions n’en témoignent pas
moins – selon les informations fournies à la mission d’information par la direction
des affaires juridiques du ministère de l’Europe et des affaires étrangères – d’un
manichéisme simplificateur qui consiste à opposer ces objectifs à « la barrière
infranchissable des droits fondamentaux des citoyens ». Cette approche
réductrice de la conservation des données de connexion le conduit ainsi à
sermonner les États membres sur la nécessité de sacrifier l’efficacité pratique des
politiques de préservation de la sécurité nationale et de lutte contre la criminalité
au nom de la protection des droits fondamentaux. À cet égard, l’avocat général se
contente de développements théoriques qui sont bien loin de répondre à
l’expérience pratique et aux nombreux exemples mis en avant par les États
membres dans le cadre de la procédure.