— 152 —

a élaboré une jurisprudence qui, tout en étant contraignante pour les services, ne
paralyse pas leur action et assure une protection élevée du droit des individus,
notamment le droit au respect de la vie privée et la liberté d’expression. »
Le président de la formation spécialisée relève aussi, s’agissant du
caractère asymétrique de la procédure devant cette formation, que « la Cour, y
compris dans l’arrêt Big Brother Watch, s’est montrée très prudente sur le
maniement du principe de l’égalité des armes, pourtant cardinal dans sa
jurisprudence, et sur l’applicabilité de l’article 6 de la Convention (1), admettant
assez largement les procédures de contrôle asymétriques, comme en France.
Certaines opinions dissidentes révèlent toutefois les dissensions existant au sein
de la Cour sur le degré de protection dont doit faire l’objet le secret de la défense
nationale. »
Au terme de l’ensemble des auditions et consultations qu’elle a menées, la
mission d’information partage l’appréciation que porte le président de la formation
spécialisée du Conseil d’État. S’il est des domaines dans lesquels on peut
s’interroger quant à la volonté de la Cour européenne des droits de l’homme
d’imposer sa propre vision du droit aux États, on ne peut que reconnaître le
caractère équilibré de sa jurisprudence en matière de surveillance secrète ou de
masse. La jurisprudence de la CEDH en matière de renseignement apparaît encore
plus équilibrée, par contraste, si on la compare avec celle de la Cour de justice de
l’Union européenne en la matière.
Les requêtes pendantes devant la CEDH concernant la loi du 24 juillet 2015 relative au
renseignement
Plusieurs requêtes intéressant le droit du renseignement sont actuellement pendantes
devant la Cour européenne des droits de l’homme.
Il s’agit tout d’abord de la requête Association confraternelle de la presse judiciaire
contre France et onze autres requêtes. Communiquées au gouvernement français le
26 avril 2017, ces requêtes, qui ont été introduites par des avocats et des journalistes, ainsi
que par des personnes morales en lien avec ces professions, concernent la loi dont la présente
mission d’information doit évaluer l’application. La Cour a posé des questions aux parties
sous l’angle de trois articles de la Convention européenne des droits de l’homme : l’article 8,
sur le droit au respect de la vie privée et de la correspondance, l’article 10, sur la liberté
d’expression, et l’article 13, sur le droit à un recours effectif.
Deux autres requêtes similaires sont également pendantes : la requête Follorou
contre France et la requête Johannes contre France, communiquées au gouvernement
français le 4 juillet 2017. L’affaire Association confraternelle de la presse judiciaire c.
France est similaire à l’affaire Big Brother Watch.
Enfin, rappelons que l’affaire Big Brother Watch a été renvoyée en Grande
chambre. L’audience a eu lieu le 10 juillet 2019. L’arrêt de Grande Chambre n’a pas encore
été rendu. L’arrêt présenté ci-dessus est celui rendu par la première section de la CEDH le
13 septembre 2018.
(1) Sur le droit à un procès équitable.

Select target paragraph3