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lesquelles elles sont mises en œuvre. Le contrôle qu’elle effectue sur les régimes
nationaux de mise en œuvre de ces techniques apparaît de plus en plus strict.
b. La jurisprudence de la CEDH, cadre conventionnel de l’élaboration de
la loi du 24 juillet 2015
Si l’arrêt Kruslin de 1990 a directement inspiré l’adoption de la loi du
10 juillet 1991 sur les interceptions de sécurité, la jurisprudence ultérieure de la
Cour européenne des droits de l’homme a également pu peser sur la volonté du
législateur d’adopter, en 2015, un texte régissant l’activité des services de
renseignement, afin d’éviter toute condamnation par le juge européen.
Dans leur rapport d’information de 2013 précité (1), M. Jean-Jacques
Urvoas – qui allait devenir le rapporteur à l’Assemblée nationale de la loi de 2015
– et M. Patrice Verchère ont appelé l’attention sur le risque de condamnation par
la CEDH pesant sur la France en l’absence de loi encadrant l’activité des services
de renseignement : « La France, soulignaient-ils, risque en permanence de se voir
condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme pour violation des
dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés
fondamentales. Si aucun recours n’a, pour l’heure, été formé pour des faits
relevant d’une activité de renseignement, le risque d’une condamnation est
constant. (…) Il apparaît que le recours aux moyens spéciaux d’investigation mis
en œuvre par les services de renseignement en dehors du cadre judiciaire, comme
les sonorisations de lieux privés ou la pose de balises sur un véhicule, peuvent
sans aucun doute conduire à une condamnation de la France par la CEDH, en
l’absence d’une base juridique précise. » Les deux rapporteurs de l’époque
incitaient alors le législateur à définir une telle base juridique en lui suggérant « de
prendre notamment pour base l’analyse de la jurisprudence de la CEDH qui
définit, en creux mais assez nettement, le contour d’une future loi sur le
renseignement. » Ils allaient même jusqu’à préconiser de s’appuyer sur la
jurisprudence de la CEDH en matière de géolocalisation en temps réel (2) ou
encore de renforcement de la protection afférente à la procédure de témoignage
des agents des services de renseignement (3).
Dans son rapport législatif de 2015, le rapporteur, M. Jean-Jacques
Urvoas, a à nouveau insisté sur le fait que la jurisprudence de la Cour européenne
des droits de l’homme constitue le cadre conventionnel dans lequel s’inscrit le
projet de loi sur le renseignement de 2015. Il soulignait que la France avait été une
nouvelle fois condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme, dans
l’arrêt Vetter du 31 mai 2005, pour avoir procédé, en 1997, en police judiciaire, à
(1) Ibid., pages 31-32
(2) L’arrêt Uzun c. Allemagne du 2 septembre 2010 rappelant la nécessité, pour cette technique de
renseignement, d’une loi particulièrement précise, en particulier compte tenu de ce que la technologie
disponible devient de plus en plus sophistiquée.
(3) L’arrêt Van Mechelen et autres c. Pays-Bas du 23 avril 1997 ayant donné l’occasion à la CEDH
d’admettre que l’utilisation de dépositions anonymes pour asseoir une condamnation ne soit pas en toutes
circonstances incompatible avec la Convention à condition que l’atteinte portée aux droits de la défense
soit compensée par la procédure suivie devant les autorités judiciaires.

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