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2. L’évolution de la jurisprudence de la CEDH et son influence sur
l’élaboration de la loi de 2015
La jurisprudence de la CEDH en matière de surveillance de masse a
évolué au fil de l’évolution des techniques, se saisissant successivement des
différentes techniques de surveillance pouvant être utilisées. Ainsi et tout d’abord,
la Cour a eu à connaître de la surveillance de la correspondance postale et des
communications
téléphoniques
(Klass
et
autres
c.
Allemagne,
(1)
(2)
6 septembre 1978 ; Weber et Saravia c. Allemagne, 29 juin 2006 ), nationales
et internationales. La Cour a ensuite eu à connaître de l’interception massive de
télécopies et courriels (Liberty et autres c. Royaume-Uni, 1er juillet 2008) ou
encore des communications par téléphonie mobile (Roman Zakharov c. Russie
[GC], 4 décembre 2015) puis plus largement de toute donnée de communication
et notamment des métadonnées (Big Brother Watch et autres c. Royaume-Uni (3),
13 septembre 2018) et l’ingérence dans les systèmes ou « hacking » (Privacy
International et autres c. Royaume-Uni, affaire actuellement pendante).
a. Les six garanties posées par la CEDH dans l’affaire Weber et Saravia
en matière d’ingérence dans la vie privée
Dans sa décision de principe Weber et Saravia c. Allemagne du
29 juin 2006, la CEDH dégage six garanties minimales en matière d’ingérence
dans la vie privée, que le droit interne doit indiquer clairement :
– la nature des infractions susceptibles de donner lieu à un mandat
d’interception ;
– la définition des catégories de personnes susceptibles d’être mises sur
écoute ;
– la fixation d’une limite à la durée d’exécution de la mesure ;
– la procédure à suivre pour l’examen, l’utilisation et la conservation des
données recueillies ;
– les précautions à prendre pour la communication des données à d’autres
parties ;
– les circonstances dans lesquelles peut ou doit s’opérer l’effacement ou la
destruction des données interceptées.
En avril 2007, dans l’arrêt Popescu c. Roumanie, la CEDH a estimé que la
procédure roumaine d’interceptions de sécurité présentait des garanties
insuffisantes : ces interceptions pouvaient être effectuées sur simple autorisation
d’une instance non indépendante du pouvoir exécutif, sans aucune limitation dans
(1) Cf. supra.
(2) Cf. infra.
(3) Cf. infra.