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l’arrêt Malone que « puisque l’application de mesures de surveillance secrète des
communications échappe au contrôle des intéressés comme du public, la loi irait à
l’encontre de la prééminence du droit si le pouvoir d’appréciation accordé à
l’exécutif ne connaissait pas de limites. En conséquence, elle doit définir l’étendue
et les modalités d’exercice d’un tel pouvoir avec une netteté suffisante – compte
tenu du but légitime poursuivi – pour fournir à l’individu une protection adéquate
contre l’arbitraire. » Ainsi, selon la CEDH, une norme est prévisible lorsqu’elle
est rédigée avec assez de précision pour permettre à toute personne de régler sa
conduite.
● L’exigence de clarté de la loi : l’arrêt Kruslin et Huvig c. France
C’est en 1990 que la France a été condamnée pour la première fois par la
CEDH dans une affaire d’écoutes. Cette condamnation a eu un effet majeur sur
notre droit puisqu’elle a conduit le gouvernement de l’époque à présenter devant
le Parlement ce qui allait devenir la loi de 1991 sur les interceptions de sécurité.
Dans l’arrêt Kruslin c. France du 24 avril 1990, qui concernait des écoutes
judiciaires, la CEDH a notamment précisé le sens de l’exigence de clarté de la loi
posée par l’article 8 de la Convention. La Cour a considéré, en l’espèce, que le
droit français, écrit et non écrit, n’indiquait pas avec assez de clarté, en matière
d’écoutes judiciaires, l’étendue et les modalités d’exercice du pouvoir
d’appréciation des autorités. Ainsi que le précise la CEDH dans son arrêt,
l’exigence que l’ingérence au droit au respect de la vie privée soit « prévue par la
loi » veut que la mesure incriminée ait une base en droit interne mais a aussi trait à
la qualité de la loi en cause : les mots « prévue par la loi » exigent l’accessibilité
de la loi à la personne concernée, qui de surcroît doit pouvoir en prévoir les
conséquences pour elle.
Les trois exigences posées par la CEDH
Pour être conforme à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des
libertés fondamentales, toute ingérence dans la vie privée doit répondre à trois exigences :
– être prévue « par la loi », soit par une norme accessible, prévisible et précise ;
– avoir pour fondement l’un des objectifs limitativement énumérés par l’article 8
paragraphe 2 de la Convention ;
– être, « nécessaire, dans une société démocratique », à la poursuite d’un tel
objectif, à savoir répondre à un besoin social impérieux et respecter le principe de
proportionnalité.

c. Les conséquences de l’arrêt Kruslin en droit interne : le vote de la loi
du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances par la voie des
communications électroniques
Ainsi que l’ont rappelé MM. Jean-Jacques Urvoas et Patrice Verchère
dans leur rapport d’information sur l’évaluation du cadre juridique applicable aux

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