— 139 —

supranational sur notre droit français du renseignement, dont nous avons pourtant
montré le caractère équilibré en première partie de ce rapport (B).
A. LA JURISPRUDENCE DE LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE
L’HOMME EN MATIÈRE DE SURVEILLANCE DE MASSE, CADRE
CONVENTIONNEL DU DROIT FRANÇAIS DU RENSEIGNEMENT

La jurisprudence de la CEDH a joué un rôle d’aiguillon dans l’émergence,
en France comme sur l’ensemble du continent européen, d’un droit encadrant
l’activité des services de renseignement. M. Olivier Forcade, professeur des
universités (1), le souligne : alors que le renseignement était un domaine
traditionnellement resté dans le secret et par conséquent à l’écart de toute
institutionnalisation, à partir des années 1989-1990, « s’opère un tournant par
l’affirmation d’un encadrement des activités secrètes des États occidentaux (…).
Par ses arrêts, la Cour européenne des droits de l’homme a conduit les États
européens à ajuster le droit à certaines de leurs pratiques secrètes, toujours
justifiées par la sécurité nationale, la lutte contre les ingérences étrangères et les
atteintes à la sûreté de l’État. C’est pourquoi l’encadrement juridique des
activités secrètes touchant à la sécurité des États et des citoyens a progressé
rapidement, avec des rythmes, certes variables, selon les États et leur histoire
contemporaine, en France par des textes réglementaires avant que la question
n’entre dans le domaine de la loi. (…) À ce titre, poursuit M. Olivier Forcade, la
loi du 24 juillet 2015 sur le renseignement est le fruit d’une maturation et d’une
évolution précise de l’encadrement juridique des pratiques de renseignement en
France, dans un environnement international attentif. »
Dès avant 2015, la condamnation de la France par la CEDH le
24 avril 1990 dans une affaire Kruslin et Huvig – qui concernait des écoutes
judiciaires – fut le prélude à la loi du 10 juillet 1991 précitée.
La jurisprudence de la Cour de Strasbourg, qui a eu et qui continue à avoir
une influence sur le droit français du renseignement, s’est établie progressivement
au cours des quarante dernières années, sur le fondement de l’article 8 de la
Convention européenne des droits de l’homme, relatif au droit au respect de la vie
privée.

(1) In Le droit du renseignement, ibid., introduction page 19.

Select target paragraph3