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renseignement, qui sont engagés dans la défense de la démocratie française et
de nos concitoyens.
Faciliter l’action opérationnelle des services apparaissait comme une
nécessité impérieuse à l’heure où les menaces qui pesaient sur la France, et en
particulier la menace terroriste islamiste, se manifestaient avec une violence
inouïe. La loi du 24 juillet 2015 n’est ni une loi de circonstance ni une loi
spécifiquement antiterroriste, mais elle a été débattue dans les mois qui ont suivi
les attentats de Charlie Hebdo et a été particulièrement marquée par la nécessité
de donner aux services de renseignement les moyens juridiques de lutter le plus
efficacement possible contre le terrorisme islamiste. Il convenait donc de leur
octroyer des ressources adaptées au but poursuivi – des moyens humains,
matériels, technologiques, mais aussi des instruments juridiques.
Consolider le cadre juridique des services de renseignement, pour
renforcer l’État de droit, a été l’autre objectif majeur de cette loi.
Certains observateurs, dans les années précédentes, avaient pu souligner, à
bon droit, « l’opacité qui entoure les services dits " secrets " et qui tend à
inquiéter davantage qu’elle ne rassure, même si les raisons en sont
comprises » (1). Il apparaissait désormais nécessaire que la loi – qui, selon
l’article 34 de la Constitution fixe les garanties fondamentales accordées aux
citoyens – vienne définir le cadre juridique régissant l’ensemble de l’action et les
missions des services de renseignement. Un contrôle approfondi et précis, dans
ses différentes composantes (interne et externe ; administrative,
parlementaire et juridictionnelle) est en effet la nécessaire contrepartie de la
discrétion et, souvent, du secret qui caractérisent l’activité des services et des
moyens qu’ils sont autorisés à utiliser, en tant qu’ils dérogent, par nature, au
respect des libertés individuelles.
Même si les services du renseignement, avant la loi de 2015, respectaient
des procédures, « l’association du mot droit à celui de renseignement est plus
inédite [que pour la plupart des politiques publiques] ou du moins plus récente »,
comme le soulignait récemment M. Laurent Nuñez, secrétaire d’État auprès du
ministre de l’intérieur (2). En effet, « sous la Ve République, le renseignement est
resté jusque tardivement à l’écart, comme interdit de cité, de la vie démocratique
et de la décision publique en France. (…) Longtemps, le rapport de l’espionnage,
puis du renseignement au droit s’en tint essentiellement à la raison d’État. » (3)
Plusieurs lois sont intervenues à compter des années 1990 pour régir
certaines techniques de renseignement, mais sans élaborer un cadre global. C’est
(1) Éric Denécé, « L’absence du suivi des activités démocratiques des services de renseignement par le
Parlement : une lacune de la démocratie française », note du Centre Français de Recherche sur le
Renseignement (CF2R), 31 janvier 2006.
(2) In Introduction, Le droit du renseignement, L’Académie du renseignement, Laurent Nunez, p. 11.
(3) In Retour historique sur les institutions et les pratiques du renseignement français de 1991 à 2015, Le droit
du renseignement, L’Académie du renseignement, Olivier Forcade, pp. 19 à 22.