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C. DES MENACES PRÉCISES QUI FRAGILISENT L’ACTION DES SERVICES

Le temps est révolu où l’État et ses administrations pouvaient se soustraire
aux juridictions administratives, nationales voire internationales, ou à l’acuité des
médias. Les caractéristiques qui sont aujourd’hui celles de notre système
démocratique impliquent désormais l’existence de contre-pouvoirs aux larges
prérogatives qui menacent les services de renseignement en raison de la précarité
du cadre juridique dans lequel ceux-ci agissent.
1. Demain, une condamnation de la CEDH ?

Consciente des contraintes induites par la sécurité intérieure et extérieure
des nations occidentales, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a
admis, dans l’arrêt Klass c. Allemagne du 9 septembre 1978, l’impérieuse
nécessité, pour les États démocratiques, de disposer de services de renseignement
efficaces : « Les sociétés démocratiques se trouvent menacées de nos jours par
des formes très complexes d’espionnage et par le terrorisme, de sorte que l’État
doit être capable, pour combattre efficacement ces menaces, de surveiller en
secret les éléments subversifs opérant sur son territoire. »
Pareille décision s’inscrit en réalité en conformité avec l’article 8, alinéa 2,
de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés
fondamentales, qui permet de déroger au droit au respect de la vie privée et
familiale, du domicile et des correspondances : « Il ne peut y avoir ingérence
d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette
ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une
société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique,
au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des
infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection
des droits et libertés d’autrui. » L’atteinte aux droits et libertés, si elle est
envisageable, doit donc être légitime, nécessaire et proportionnée au but
poursuivi.
Si l’ingérence doit être « prévue par la loi », pour la CEDH, une telle
obligation ne signifie pas nécessairement qu’un texte de valeur législative doive
prévoir l’intrusion en question. En effet, la Cour analyse la « loi » au sens large :
un cadre jurisprudentiel peut ainsi suffire. Plus encore que l’existence formelle
d’une loi, c’est la qualité de la norme qui importe. Celle-ci doit en effet répondre à
deux autres critères : l’accessibilité et la prévisibilité. Il importe ainsi que la loi en
question soit accessible au citoyen. À cet égard, la publication au Journal officiel
suffit. La CEDH a également jugé que la possibilité d’accéder à la loi par Internet
répondait à cette exigence 1. L’accessibilité ne relève cependant pas uniquement
du champ matériel, mais aussi intellectuel : des dispositions trop vagues ou
imprécises ne sauraient être considérées comme recevables (2).
(1) CEDH, Kennedy c. Royaume-Uni, 18 mai 2010.
(2) CEDH, Amann c. Suisse, 16 février 2000.

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