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Dans tous les cas, vos co-rapporteurs regrettent qu’en la matière l’Académie
du renseignement ne joue pas un rôle plus ambitieux.
D’une manière plus générale, se pose la question de la communication
publique des services. Le premier directeur d’une instance de renseignement à
s’être publiquement exprimé fut Claude Silberzahn, qui publia deux articles dans
le journal Le Monde (le premier en 1990 (1), le second en 1993 (2)). L’initiative ne
se renouvela guère (si l’on excepte de courts articles dans des revues spécialisées
et souvent confidentielles) avant l’intervention au journal télévisé de France 2 du
directeur de la DST Pierre de Bousquet de Florian à l’occasion du cinquième
anniversaire des attentats du 11 septembre 2001 (3). Le haut fonctionnaire y fut
encouragé par son ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy (4). En toute logique,
son successeur, Bernard Squarcini, a octroyé de très nombreuses entrevues à la
presse écrite entre 2007 et 2012. À l’inverse, le directeur général de la DGSE a fait
le choix de ne s’exprimer publiquement qu’avec une extrême parcimonie et a
préféré instituer au sein de son service un poste de chargé de communication en
septembre 2010. Jouant un rôle d’interface avec les journalistes, le titulaire de
cette fonction ne délivre pas la parole officielle de la direction mais s’assure que
les informations nécessaires parviennent bien aux journalistes. Il assume par
ailleurs des tâches de communication interne.
La mission reconnaît que la communication des services constitue un sujet
épineux. Il semble à cet égard que la DGSE ait su trouver une voie médiane
satisfaisante. L’amélioration de l’image du monde du renseignement au sein de la
population ne saurait passer par une communication personnelle des chefs de
service sur des thèmes qui, par nature, relèvent du ministre de tutelle, seul
responsable des actions conduites ou des annonces à effectuer.
En définitive, la diffusion de la culture du renseignement contribuera, à
terme, à une plus grande efficacité des services au bénéfice de Nation. Il revient à
l’Académie de jouer un rôle central en développant deux pans d’activités
totalement cloisonnées mais complémentaires. Toutefois, les efforts à accomplir
dépassent le cadre de cette seule instance et doivent plus généralement se traduire
par un changement de mentalités, une évolution d’ordre culturel. Les mêmes
enjeux se posent dans le domaine de l’intelligence économique.
(1) « Un entretien avec le patron des services secrets : M. Claude Silberzahn propose un plan de renforcement
de la DGSE », Le Monde, 31 janvier 1990.
(2) « Un entretien avec le patron des services secrets : « L’Europe du renseignement se construit plus vite que
l’Europe politique », nous déclare M. Claude Silberzahn », Le Monde, 31 mars 1993.
(3) Auparavant, le sous-directeur en charge de la lutte contre le terrorisme à la DST, Louis Caprioli, avait
participé à l’émission « Mots croisés », diffusée sur France 2 en septembre 2002.
(4) Comme celui-ci le reconnut à l’Assemblée nationale (in Compte rendu des débats, séance publique du
23 novembre 2005, JORF, p. 7466) : « DST et Renseignements généraux ont fait un travail absolument
remarquable. C’est moi-même qui ai demandé à ce que le patron des RG et le patron de la DST n’hésitent
pas à s’exprimer dans la presse de temps à autre ».