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délinquance » (1). Ils ont donc dénaturé le raisonnement et les préconisations
d’Alain Bauer et de Michel Gaudin pour répondre à la seule pression électoraliste
de lutte contre l’insécurité. Des missions de renseignement intérieur (surveillance
des mouvements extrémistes, des phénomènes sectaires, analyse des phénomènes
économiques et sociaux…) ont donc été délibérément rabaissées, dégradées et
bradées au nom de la mobilisation contre la délinquance.
De même, les appels au « décloisonnement de la culture policière » (2) et à
son ouverture aux enjeux du renseignement (criminel) ont été interprétés comme
des invitations à la polyvalence des fonctionnaires de police, à la promotion d’une
« approche pragmatique dans l’utilisation des effectifs qui pourront passer d’une
mission à l’autre au cours d’une même vacation » (3). Bien évidemment, une telle
perspective anéantit l’idée d’une spécialité du renseignement policier généraliste
et justifie pleinement la dilution d’une partie des RG dans la sécurité publique. Les
conditions de la réforme de 2008 ne feront qu’aggraver les conséquences de ce
raisonnement biaisé.
b) Une réforme brutale menée dans des conditions difficiles
C’est la Cour des comptes qui, trois ans après la mise en place de la sousdirection, a dressé le constat le plus brutal : « la réduction des effectifs des SDIG
par rapport aux anciennes DDRG est allée bien au-delà des missions retirées » (4).
Et de fait, le vaste champ de compétence qu’elle doit théoriquement couvrir est
inversement proportionnel aux moyens humains dont elle a été dotée.
● Un champ de compétence qui demeure relativement vaste
La nouvelle sous-direction a repris une part très importante des
compétences des RG puisqu’elle a pour mission de rechercher, centraliser et
procéder à l’analyse des renseignements « dans le domaine institutionnel,
économique, social, ainsi que dans tous les domaines susceptibles d’intéresser
l’ordre public, notamment les phénomènes de violence ». De façon concrète, les
services départementaux d’information générale (SDIG) ont plusieurs champs
d’investigation :
– Dans le domaine économique et social, ils suivent la vie des entreprises
et prennent des contacts avec leurs dirigeants ainsi que les représentants syndicaux
pour anticiper d’éventuels mouvements sociaux (et non pour collecter une
information économique plus générale) ; ils se livrent aux mêmes activités dans le
monde rural, tissant notamment des liens avec le milieu agricole et les professions
indépendantes ;

(1) Nicolas Sarkozy, circulaire du 24 octobre 2002. L’antériorité de cette note semblerait indiquer que les
préconisations effectuées en 2008 ont été lues au travers d’un prisme intellectuel forgé six années plus tôt.
(2) Alain Bauer et Michel Gaudin, op. cit.
(3) Nicolas Sarkozy, circulaire du 24 octobre 2002.
(4) Cour des comptes, op. cit. p. 90.

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