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chef de l’État et le Premier ministre. En réaction, le préfet Jean-Jacques Pascal,
directeur de la DST, reprend alors à son compte le projet de fusion des deux
services de renseignement intérieur précédemment élaboré par Jacques Fournet (1)
(alors même qu’à sa prise de fonction en 1997, il avait dissuadé Jean-Pierre
Chevènement d’envisager une dissolution de la DCRG). Mais, là encore, la
cohabitation interdit toute concrétisation de ce projet.
Au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, la DST est sans
conteste devenue le service leader en matière de lutte antiterroriste, d’autant que
les terrorismes breton, corse ou basque (qui relèvent de la DCRG) ne représentent
plus une menace décisive pour l’État. Alors ministre de l’Intérieur, Nicolas
Sarkozy propose à son tour une fusion DST-DCRG que Jacques Chirac repousse.
Néanmoins, en 2007, après une phase préparatoire, les deux services s’installent
dans des locaux communs à Levallois-Perret, preuve qu’un rapprochement
s’amorce.
Élu président de la République, Nicolas Sarkozy et son secrétaire général
Claude Guéant entreprennent la réforme du renseignement intérieur, qui débouche,
par décret du 27 juin 2008, sur la création de la DCRI. Celle-ci est le fruit non de
la fusion de la Direction de la surveillance du territoire et de la Direction centrale
des renseignements généraux, mais de l’absorption par la première d’une grande
partie de la seconde. Car une fusion totale aurait conduit à la domination
numérique de la DCRG alors que l’objectif consistait à créer à partir de la DST un
grand service de lutte antiterroriste, sans rival et doté d’un maillage territorial
efficace (2). Pour preuve, il suffit de se référer à l’article 6 du décret fondant la
DCRI, qui abroge le décret n° 82-1100 du 22 décembre 1982 fixant les attributions
de la DST sans pour autant faire mention aux textes relatifs aux RG. La filiation
patente de la DCRI, héritière revendiquée de la seule DST, est ainsi établie.
C’est donc l’unique souci de rationalisation du dispositif français de lutte
antiterroriste qui est à l’origine de la création de la DCRI. Au lieu d’instituer un
grand service de renseignement intérieur, une réforme a été conduite dans la
précipitation, guidée par des considérations contingentes en matière
d’implantation territoriale, de répartition des effectifs…
c) Une implantation territoriale sans cohérence
Le maillage territorial d’un service principalement dédié au renseignement
ne saurait reposer sur la simple transposition administrative d’une entité à une
autre. L’action nécessite de penser une stratégie et des procédés qui permettent à
la greffe de prendre et de prospérer. Or dans le cas de la DCRI, on discerne avec
(1) Directeur de la DST de 1990 à 1993.
(2) Ancien directeur adjoint de la DST, Jean-François Clair commente : « l’objectif général consiste à
renforcer les complémentarités entre les deux services : associer à la rigueur de la DST la souplesse et la
réactivité de la DCRG. En un mot, prendre le meilleur des cultures des deux Directions », in Jean-François
Clair et Paul Dahan, op. cit.