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service jusqu’en 2007, le reconnaît sans fard : « Jusqu’au début des années
soixante-dix, le service s’est presque exclusivement occupé de contre-espionnage
(sauf pendant la guerre d’Algérie). Aucune structure spécifique n’est dédiée au
terrorisme. Avec le développement du terrorisme lié au Proche-Orient, notamment
après la prise d’otages de Munich (1972) et les premiers attentats sur notre sol,
une division spécialisée sera créée en 1974 (1). »
Mais après l’assassinat de deux fonctionnaires de la DST par Carlos le
27 juin 1975, Marcel Chalet (directeur du service) entend débarrasser la lutte
antiterroriste de son volet « police judiciaire » au profit de la Direction centrale de
la police judiciaire (DCPJ). Cette dernière l’accepte en contrepartie de moyens
supplémentaires. Un tiers des effectifs de la division créée en 1974 rejoint alors les
rangs de la PJ (2). En substance, l’ambition du directeur de la DST est de recentrer
son service sur le contre-espionnage, tandis qu’il considère le terrorisme comme
une « activité relativement marginale » (3). Son successeur, Yves Bonnet, restera
fidèle à cette position jusqu’en 1983, date à laquelle il devra lutter contre
l’ASALA (4). En conséquence, en 1982, la section antiterroriste ne compte encore
que cinq policiers, que viennent épauler en cas de nécessité quinze fonctionnaires
supplémentaires affectés à d’autres missions.
Parallèlement, la DCPJ s’inscrivant principalement dans une démarche de
répression, la recherche et la centralisation du renseignement préventif en matière
de terrorisme – qu’il soit basque, breton, corse, antillais, lié à Action directe ou à
l’ASALA – échoit à la Direction centrale des Renseignements généraux (DCRG)
dès 1976.
Cependant, dans la mesure où les autorités politiques peinent à saisir
l’essence particulière du terrorisme, il n’est pas rare que des services policiers
généralistes interviennent dans de telles affaires. Ainsi, par exemple, la Brigade de
recherche et d’intervention du commissaire Broussard opérera lors de la prise
d’otages d’Orly en janvier 1975, alors qu’elle est spécialisée dans la lutte contre la
grande criminalité. De même, la brigade criminelle de Marcel Leclerc se chargera
de l’enquête concernant l’attentat de la rue Copernic...
Quant à la Gendarmerie nationale, qui ne possède aucune filière autonome
de renseignement, elle s’implique néanmoins dans certains dossiers relevant de
son ressort territorial (principalement en matière de terrorisme interne) ou par
l’intermédiaire du GIGN (notamment lors des prises d’otages auxquelles recourent
fréquemment les terroristes dans les années 1970). En toute cohérence, deux
directives, en date du 13 octobre 1982 et du 10 mars 1983, finiront en
(1) Témoignage cité in Floran Vadillo, « L’Élysée » et l’exercice du pouvoir…, op. cit., p. 76.
(2) Jean-François Clair et Floran Vadillo « Jean-François Clair : une carrière au service de la lutte
antiterroriste », in Sébastien Laurent (dir.), Les espions français parlent : archives et témoignages inédits
des services secrets français, Paris, Nouveau Monde, 2011, p. 501-2.
(3) Marcel Chalet et Thierry Wolton, Les visiteurs de l’ombre, Paris, Grasset, 1990, p. 250.
(4) In Yves Bonnet, Contre-espionnage : mémoires d’un patron de la DST, Paris, Calmann-Lévy, 2000, p. 288.
L’ASALA désigne l’Armée secrète arménienne de libération de l’Arménie, une organisation terroriste
particulièrement active dans les années 1970-1980.