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Cette fidélité à l’esprit de la Constitution interdisait la création d’un
conseil de sécurité nationale qui, d’ailleurs, n’obtint pas plus l’assentiment de la
commission du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale dont Nicolas
Sarkozy avait confié la présidence à Jean-Claude Mallet, en parallèle au comité
Balladur.
Exercice programmatique en matière de Défense et de sécurité nationale,
le Livre blanc de 2008 est le troisième rédigé sous la Cinquième République. Si le
premier datant de 1972 n’évoquait pas le renseignement, celui de juin 1994
l’érigeait en « fonction essentielle de la stratégie » et celui de 2008 en « fonction
stratégique », pilier de la fonction « connaissance et anticipation ». Et c’est à ce
titre que, goûtant visiblement peu l’idée venue d’Outre-Atlantique d’un conseil
national de sécurité, il proposa la création d’un conseil national du renseignement
assorti d’un coordonnateur placé directement à l’Élysée, préconisation en rupture
avec les précédentes expériences françaises.
Elle fut mise en œuvre par l’arrêté du 23 juillet 2008 qui nomma par
décision prise en conseil des ministres Bernard Bajolet, ministre plénipotentiaire,
coordonnateur national du renseignement. Le même jour, une lettre de mission
signée par le Président de la République reprenait les principales orientations
définies par le Livre blanc. Puis, à l’occasion de la réforme du Secrétariat général
de la défense nationale (renommé à cette occasion Secrétariat général de la
défense et de la sécurité nationale), l’article 1er du décret n° 2009-1657 du
24 décembre 2009 institua l’article R*.1122-8 du code de la défense
institutionnalisant la configuration préexistante et déterminant réglementairement
le rôle du Coordonnateur.
Sa mission est, logiquement, de « coordonner l’action et de s’assurer de
la bonne coopération des services spécialisés constituant la communauté
française du renseignement (1) ». La structure présente une vertu cardinale :
elle institutionnalise une coordination qui, comme il vient d’être rappelé, ne
dépendait jusque-là que de la bonne volonté des chefs de services et de la
qualité de leurs rapports.
Dans les faits, outre les réunions techniques et thématiques, les rencontres
mensuelles des chefs de services autour du Coordonnateur permettent de bâtir des
coopérations plus étroites, de réaliser des opérations conjointes entre deux
instances. À titre d’exemple, la direction nationale du renseignement et des
enquêtes douanières (DNRED) a ainsi pu solliciter l’appui de la DGSE pour
assurer la pose d’une balise sur un bateau suspect. Une pratique qui peut sembler
banale mais qui, sans un échange direct et fréquent entre les responsables des
services, n’aurait jamais pu se réaliser avec autant de facilité. En ce sens, le CNR
semble être parvenu à ses fins là où le CIR avait failli par excès technocratique.
(1) Article R*.1122-8 du code de la Défense, paragraphe III.