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Certes, l’expérience démontre que le Premier ministre dispose de
l’autorité indispensable et des moyens administratifs nécessaires pour
assumer cette fonction. De nombreux textes ont d’ailleurs consacré cette
prérogative depuis la création de la Vème République. Cependant, tant pour des
raisons contingentes (désaccords entre les titulaires des fonctions) que du fait
d’une faible appétence pour cette thématique, un tel pouvoir n’a somme toute
connu que d’éphémères concrétisations avant de sombrer dans les arcanes
administratives.
On est donc surpris de constater que, quelles que soient les structures
imaginées, leur efficacité ne dépend toujours au final que du degré d’implication
et de la bienveillance de certains acteurs occupant momentanément une fonction
au cœur du dispositif étatique. À l’inverse, un Premier ministre distant ou un
directeur de cabinet sceptique ont suffi à invalider des dispositifs prometteurs.
À ce titre, on peut s’étonner qu’il soit, selon Claude Silberzahn,
« exceptionnel qu’un chef de gouvernement s’intéresse au renseignement
intellectuellement mais aussi très concrètement » (1).
Après une si longue période qui vit « une coordination institutionnelle
permanente mais de circonstance » (2), l’importance de la mutation engagée par
Nicolas Sarkozy, singulièrement par la création du Coordonnateur national du
renseignement, mérite examen.
B. UN EFFORT DE RATIONALISATION PERTINENT MAIS PERFECTIBLE :
LE COORDONNATEUR NATIONAL DU RENSEIGNEMENT
Nicolas Sarkozy est le seul Président de la République à avoir nourri un
intérêt soutenu pour le renseignement, domaine avec lequel il s’est véritablement
familiarisé lors de son arrivée au ministère de l’Intérieur en 2002.
Quelques années plus tard, devenu candidat à l’élection présidentielle, il
s’est même rallié avec conviction à une proposition défendue par Pierre Lellouche,
délégué général de l’UMP chargé de la Défense, qui visait à créer un conseil de
sécurité nationale ayant notamment des compétences en matière de coordination
des services de renseignement (3).
Élu chef de l’État et désireux d’engager une révision constitutionnelle afin
de conforter le pouvoir du Président, il confiera à Édouard Balladur le soin de
réfléchir à la modernisation des institutions de la Vème République. Ainsi, dans sa
lettre de mission du 18 juillet 2007, il fera part de son souhait que le Comité
constitutionnalise le « pouvoir très large [du chef de l’État] sur l’ensemble de nos
(1) Franck Bulinge, De l’espionnage au renseignement, Vuibert, Paris, 2012, p. 180.
(2) Nathalie Cettina, Antiterrorisme : une fragile coordination, note pour le Centre Français de Recherche sur
le Renseignement, avril 2011, p. 7
(3) Nicolas Sarkozy, « Profession de foi : l’effort de défense doit rester au cœur des priorités de la Nation »,
Revue défense nationale et sécurité collective, avril 2007, p. 36.