CNCIS – 23e rapport d’activité 2014-2015
Ce dispositif législatif qui introduit des dispositions propres aux
mesures de surveillance internationale devrait, par contrecoup, mettre
fin à certaines pratiques, récemment révélées au public 1.
Le droit américain accorde aussi une plus grande liberté aux services de renseignements lorsque sont en cause des interceptions de
communications à l’étranger. Il existe toutefois une différence avec le
droit français : le critère ne tient pas à la localisation des données (le nouvel article L. 854-1 vise les « communications qui sont émises ou reçues
à l’étranger »), mais à la personne visée : la protection garantie par le
4e amendement, qui fournit la base constitutionnelle de la protection de
la vie privée, ne s’étend pas aux non-Américains. À la suite des attentats
du 11 septembre 2001, les pouvoirs d’interception des communications
ont été étendus par la section 215 du Foreign Intelligence Surveillance
Act. C’est dans ce cadre législatif que le Foreign Intelligence Surveillance
Court (FISC) a autorisé, à partir de 2006, la collecte systématique des
métadonnées des opérateurs téléphoniques et leur stockage par la NSA.
En 2008, le FISA Amendment Act (FAA), a introduit la distinction suivante : lorsque la personne visée est une personne américaine ou résidant aux États-Unis (US Person) l’administration doit obtenir l’accord de
la FISC ; dans le cas contraire, la section 702 du FISA lui permet d‘agir
sans autorisation préalable. C’est sur le fondement de ce texte qu’ont eu
lieu les collectes les plus massives (l’étude du Conseil d’État note que
« l’un des juges de la FISC a relevé que 250 millions de communications
sur Internet étaient interceptées chaque année » 2).
En Europe, l’indignation provoquée par ces pratiques a conduit
à des prises de position favorables à une plus grande protection non
1) Le 11 avril 2015, Le Monde dévoilait l’existence d’un « Big Brother dissimulé au cœur
du renseignement » : la Plateforme nationale de cryptage et de décryptement, laquelle se
livre déjà aux pratiques que la loi a pour but de légaliser. Un an plus tôt, Le Monde avait
révélé que la DGSE disposait d’un libre accès intégral aux réseaux et aux flux de données
qui transitent par la société française de télécommunications Orange, y compris les informations relatives aux ressortissants étrangers et français article publié le 20 mars 2014,
« Espionnage : comment Orange et les services secrets coopèrent ». L’information n’a pas
échappé au rapporteur de la Commission des questions juridiques et des droits de l’homme
de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, Pieter Omtzigt, qui souligne que
cette coopération entre la DGSE et France Telecom-Orange passe par des connexions informelles effectuées par des ingénieurs qui « naviguent » entre les deux institutions « depuis
au moins les 30 dernières années » (Les opérations de surveillance massive, rapport de la
Commission des questions juridiques et des droits de l’homme, Assemblée parlementaire,
Conseil de l’Europe, Doc. 13734 18 mars 2015, paragraphe 26, p. 12).
2) Le numérique et les droits fondamentaux, préc., p. 204.
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