Police et défense
d'un fichier relatif à l'ex-FLNC établi le 13 juillet 1988 par la légion de
gendarmerie de Corse. Le fichier décrit l'organigramme de l'ex-FLNC : son groupe
dirigeant, ses groupes chargés de l'action violente (tueurs potentiels, participants
éventuels à des actions militaires) ainsi que les personnes qui, par sympathie, sont
susceptibles de fournir une aide matérielle aux dirigeants et commandos. Il est
apparu que ce document, acheminé dans un sac postal, avait été dérobé lors d'un
vol à main armée commis le 18 juillet 1988 au centre de tri postal de l'aéroport
d'Ajaccio.
Interrogé sur la régularité d'un tel fichier, le ministère de l'Intérieur a indiqué
que la question relevait du ministère de la Défense. Le ministère de la Défense a
prescrit une enquête et en a communiqué les conclusions à la Commission. Il
s'avère que compte tenu du nombre élevé d'attentats commis en
1987, la légion de gendarmerie de Corse a cru devoir mettre à la disposition de
ses unités un fichier. 15 exemplaires avaient été expédiés par la poste, dont 8 ont
été volés. Les 7 autres ont été détruits par la gendarmerie qui, le 31 juillet
1988, a édité un nouveau document différent dans la forme mais identique sur le
fond. Une demande d'avis a été présentée à la CNIL, le 5 mars 1990 en vue de
régulariser le dossier.
On ne peut que constater un manquement grave à la loi. Le fichier a été
constitué par la légion de Corse sans autorisation de l'autorité hiérarchique,
néanmoins informée, et sans avis préalable de la CNIL. Au surplus, le fichier faisant
apparaître les opinions politiques des personnes concernées, une autorisation par
décret en Conseil d'Etat pris après avis conforme de la CNIL était nécessaire en
l'absence d'un décret donnant, de manière générale, à la gendarmerie le droit de
faire exception à l'interdiction prévue en la matière par l'article 31 de la loi du 6
janvier 1978. Enfin, aucune mesure n'a été prise pour préserver la sécurité des
informations et empêcher qu'elles soient communiquées à des tiers non autorisés.
Dès qu'est apparue la nécessité d'une telle collecte d'informations, la gendarmerie
aurait du utiliser le fichier central du terrorisme. Lorsqu'elle a autorisé ce fichier
central, la CNIL avait veillé, dans un domaine délicat, à concilier les exigences de la
sécurité publique et celles de la protection des libertés, en posant un certain
nombre de critères. Avant en effet de ficher des individus, il importe de s'assurer
que ce sont effectivement des terroristes ou qu'ils apportent un soutien actif au
terrorisme, garanties que ne comporte pas le fichier incriminé avec les notions très
extensives de “ tueur potentiel ” ou de “ sympathisant ”.
Le non accomplissement des formalités préalables auprès de la CNIL, la
collecte illicite d'informations relatives aux opinions politiques et l'absence de
mesures de sécurité ont conduit la Commission à adresser un avertissement au
Ministre de la Défense.
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