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2.1.4.3.2.2
Une procédure aménagée
Afin de concilier les exigences de la doctrine du renseignement et celles du procès équitable,
la procédure suivie devant le Conseil d’Etat déroge au code de justice administrative sur
plusieurs points essentiels :
-
un jugement en premier et dernier ressort par le Conseil d’Etat, dont la formation de
jugement, composée de trois membres, peut être élargie lorsque l’importance de
l’affaire le justifie ;
une instruction non contradictoire et couverte par le secret de la défense nationale ;
une audience séparée pour le requérant et pour les services, cette dernière se tenant à
huis clos ;
une communication systématique de la requête à la commission nationale de contrôle
des techniques de renseignement qui peut présenter des observations ;
une décision limitée à son dispositif ;
une possibilité de se borner à confirmer ou infirmer l’existence de la mise en œuvre
d’une technique alléguée.
Ces dérogations, importantes aux principes des droits de la défense et du droit au procès
équitable, sont toutefois contrebalancées par des pouvoirs accrus du juge spécialisé :
-
le juge peut être saisi très largement, sans obstacle probatoire, par toute personne y
ayant un intérêt direct et personnel qui soupçonnerait seulement la mise en œuvre à
son endroit, d’une mesure de surveillance et dans certains cas, par la CNCTR ;
-
cette saisine n’est enfermée dans aucun délai ni formalisme si ce n’est la saisine
préalable par le requérant seulement, de la CNCTR, qui, compte tenu de la
particularité de ce contentieux, a pour effet de mettre en état le dossier en ses lieu et
place ;
-
le juge dispose d’un accès à l’ensemble des documents et informations détenus par les
services, aucun secret ne lui étant opposable. Son contrôle est donc plein et entier,
contrairement à ce qui existe aujourd’hui (cf. CE Assemblée, 6 novembre 2002,
Moon) ;
-
afin de pallier l’impossibilité pour le justiciable, de soulever des moyens alors qu’il ne
connaît pas la mesure en cause, la loi permet au juge de se saisir de tout moyen, même
d’office. De même, les requêtes sont systématiquement communiquées à la CNCTR
qui peut présenter des observations ;
-
en outre, la juridiction est dotée de pouvoirs importants, puisqu’elle peut annuler
l’autorisation, ordonner la destruction des données collectées ou, s’il le demande,
indemniser le requérant du préjudice qu’il estime avoir subi ;
-
enfin, lorsqu’elle constate qu’une irrégularité est susceptible de constituer une
infraction pénale, la juridiction en donne avis au procureur de la République et
transmet l’ensemble des éléments du dossier au vu desquels elle a statué à la