Conseil d'État, Assemblée, 21/04/2021, 393099, P...

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que les données mentionnées aux points 33, 34 et 36, relatives à l'identité civile, aux adresses IP et aux informations relatives aux
comptes et aux paiements, aux fins de lutte contre la criminalité et de prévention des menaces à l'ordre public sans méconnaître le
droit de l'Union européenne. Il ressort du point précédent qu'à la date de la présente décision, et aussi longtemps que l'existence d'une
menace grave sur la sécurité nationale justifie la conservation généralisée et indifférenciée des données de connexion, l'application du
droit de l'Union européenne, en conduisant à écarter le droit national, ne prive pas de garanties effectives les objectifs de valeur
constitutionnelle invoqués par le Premier ministre en défense. Il y a dès lors lieu d'écarter les articles L. 34-1 du code des postes et des
communications électroniques et 6 de la loi du 21 juin 2004 en tant qu'ils poursuivent une finalité autre que celle de la sauvegarde de la
sécurité nationale. Par suite, les associations requérantes sont fondées à soutenir que les dispositions du I et du II de l'article R. 10-13
du code des postes et des communications électroniques d'une part, et du 1° et du 2° de l'article 1er du décret du 25 février 2011 sont
entachées d'illégalité dans cette mesure. C'est donc à tort que le Premier ministre a refusé d'en prononcer l'abrogation dans cette
même mesure.
59. Il y a lieu de décider que le Premier ministre disposera d'un délai d'au plus six mois à compter de la notification de la présente
décision pour limiter les finalités poursuivies par ces articles et adapter le cadre réglementaire relatif à la conservation des données de
connexion. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
III. Sur les traitements mis en oeuvre par les services de renseignement sur les données de connexion :
60. Les associations requérantes contestent la conformité au droit de l'Union européenne de quatre techniques de renseignement. La
première, définie par l'article L. 851-1 du code de la sécurité intérieure, permet aux services de renseignement d'accéder aux données
de trafic et de localisation conservées par les opérateurs de communications électroniques, les fournisseurs d'accès à internet et les
hébergeurs de contenu. La deuxième, définie à l'article L. 851-2 du code leur permet, pour les seuls besoins de prévention du
terrorisme, de recueillir en temps réel ces données pour les personnes préalablement identifiées comme présentant une menace. La
troisième, prévue par l'article L. 851-3 du code, permet la mise en place de traitements automatisés sur les données de connexion
conservées par les opérateurs afin de détecter des connexions susceptibles de révéler une menace terroriste. Enfin, l'article L. 851-4
permet aux services de renseignement de recueillir en temps réel les données techniques relatives à la localisation des équipements
terminaux de communications électroniques. Les associations requérantes soutiennent que ces dispositions méconnaissent le droit de
l'Union européenne tel qu'interprété par l'arrêt de la Cour de justice du 6 octobre 2020. Il y a lieu d'apprécier, en premier lieu, l'opérance
des moyens invoqués, en deuxième lieu, la conformité au droit de l'Union de chacune de ces méthodes de renseignement et, en
troisième lieu, d'examiner les autres moyens invoqués tirés de ce que les garanties procédurales encadrant les dispositions législatives
du livre VIII du code de la sécurité intérieure seraient insuffisantes au regard du droit de l'Union.
En ce qui concerne l'opérance du moyen tiré de ce que les dispositions législatives du code de la sécurité intérieure seraient
incompatibles avec le droit de l'Union européenne :
61. Sous les nos 394922, 397844 et 397851, les associations requérantes soutiennent, par la voie de l'exception, que les articles L.
851-1 à L. 851-4 du code de la sécurité intérieure seraient incompatibles avec le droit de l'Union européenne.
62. La contrariété d'une disposition législative aux stipulations d'un traité international ou au droit de l'Union européenne ne peut être
utilement invoquée à l'appui de conclusions dirigées contre un acte réglementaire que si ce dernier a été pris pour son application ou si
en elle constitue la base légale.
63. Le décret du 28 septembre 2015 désigne, en application de l'article L. 811-2 du code de la sécurité intérieure, les services
spécialisés de renseignement et prévoit les modalités d'application des articles L. 853-1 à L. 853-3 du code. Il suit de là que les
associations requérantes ne sauraient utilement contester, par la voie de l'exception, l'incompatibilité avec le droit de l'Union
européenne des articles L. 851-1 à L. 851-4 à l'appui de leurs conclusions dirigées contre ce décret, qui n'a pas été pris pour
l'application de ces articles et dont ceux-ci ne constituent pas la base légale. La requête présentée sous le n° 394922 doit, par suite,
être rejetée.
64. L'article 3 du décret du 11 décembre 2015 relatif à la désignation des services autres que les services spécialisés de
renseignement, autorisés à recourir aux techniques mentionnées au titre V du livre VIII du code de la sécurité intérieure, pris en
application de l'article L. 811-4 du code de la sécurité intérieure, insère dans le code des articles R. 851-1 et R. 851-2 qui désignent les
services autres que les services spécialisés de renseignement qui peuvent, pour des finalités qu'ils précisent, recourir aux techniques
définies par les articles L. 851-1 et L. 851-4 du code. Les autres dispositions du décret ne sont pas prises pour l'application des articles
L. 851-1 à L. 851-4 et ces articles n'en constituent pas la base légale. Il suit de là que l'association Igwan.net ne saurait utilement
contester, par la voie de l'exception, l'incompatibilité avec le droit de l'Union européenne des articles L. 851-1 et L. 851-4 du code de la
sécurité intérieure qu'à l'appui de ses conclusions dirigées contre les dispositions de l'article 3 du décret contesté en tant qu'il insère les
articles R. 851-1 et R. 851-2 dans ce code. Ses conclusions dirigées contre les autres dispositions de ce décret ne peuvent, dès lors,
qu'être rejetées.
65. L'article 1er du décret du 29 janvier 2016 relatif aux techniques de recueil de renseignement insère au code de la sécurité intérieure
un article R. 823-1 qui précise le rôle du groupement interministériel de contrôle. Aux termes du 3° de cet article, ce service est chargé
de : " Recueillir et conserver les informations ou documents mentionnés à l'article L. 851-1 dans les conditions fixées au chapitre Ier du
titre V du présent livre ". Par ailleurs, l'article 2 du décret insère au même code un article R. 851-1-1, qui désigne les services autres
que les services spécialisés de renseignement pouvant être autorisés à utiliser la technique mentionnée à l'article L. 851-2 du code de

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