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Ces pratiques ne bénéficiaient pas d’un encadrement législatif, ce qui
fragilisait le travail des services autant que les bases de notre démocratie. On
comprend qu’une importante mobilisation citoyenne se fasse jour sur un tel sujet,
car le texte légalise des moyens d’action, des moyens d’exception et des
techniques qui permettent une surveillance de grande ampleur, voire une
surveillance de masse. Je partage certaines interrogations sur les moyens
techniques utilisés et m’interroge, comme Mme Bechtel, sur les motifs invoqués
au nouvel article L. 811-3 du code de la sécurité intérieure.
Les outils sont nombreux : balises GPS pour les véhicules, sonorisation
des espaces privés, captation d’images, intrusion dans des lieux privés, accès en
temps réel aux données de connexion Internet, installation des dispositifs de
recueils de communication couvrant de larges périmètres de l’espace public,
utilisation de matériels sophistiqués comme les IMSI-catchers, les logiciels
espions et les technologies complexes fondées sur des algorithmes, dont on
mesure mal l’efficacité et la portée.
Depuis la loi de programmation militaire, une inquiétude plane. Les
journalistes craignent, parfois à juste titre, des atteintes à la liberté d’informer,
alors que la loi sur le secret des sources n’est pas à l’ordre du jour. Les magistrats
redoutent qu’on n’offre aux services secrets des pouvoirs exorbitants, dans des
domaines plus larges que la seule lutte contre le terrorisme. La CNIL s’interroge
sur le contrôle des fichiers et l’emploi de mesures de surveillance intrusives. Il ne
s’agit pas d’une hostilité de principe à toute législation antiterroriste, dont nul ne
conteste la légitimité. Mais comment croire que la seule réponse apportée à ce défi
relève du renseignement et de la police ?
Nous devons savoir si le texte respecte les principes démocratiques et si
les réponses prévues sont proportionnelles aux risques que notre société doit
affronter. L’étude d’impact n’apporte pas de certitude sur l’efficacité,
l’engagement budgétaire ou l’impact des mesures de surveillance. Ce texte
intervient alors que l’encre de la loi de 2014 renforçant les dispositions relatives à
la lutte contre le terrorisme est à peine sèche. Il renforce un arsenal antiterroriste
qui comporte déjà quatorze lois depuis 1986. Il s’applique enfin à des domaines
beaucoup plus vastes que la lutte contre le terrorisme, notamment la prévention
des violences collectives de nature à porter gravement atteinte à la paix publique.
Le débat parlementaire doit répondre aux craintes qui s’expriment dans le débat
public et apporter des clarifications nécessaires.
La CNCTR – ses moyens, ses capacités d’intervention et son efficacité –
sera au cœur de nos débats. Je me réjouis de l’état d’esprit dans lequel le président
et rapporteur aborde la discussion. Selon Jean-Marie Delarue, président de la
Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, le contrôle en
amont, en cas d’urgence absolue, serait possible. La question pourrait être abordée
par les ministres. Quant aux interrogations sur l’ampleur de la surveillance
produite par les diverses techniques évoquées dans le texte, elles ne peuvent être
balayées d’un revers de main.

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