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le juge administratif, qui, loin d’être le bras armé de l’État est au contraire le juge
des libertés, comme l’a rappelé M. Tourret, et comme le montre la jurisprudence –
pourra saisir le juge judiciaire, s’il constate une infraction pénale. Je laisse à la
garde des Sceaux le soin de répondre sur le référé-liberté.
Enfin, le contrôle parlementaire sur l’activité des services de
renseignement est lui aussi renforcé, ce qui est souhaitable. Le débat nous offrira
l’occasion de le démontrer.
M. Popelin craint que le renseignement ne soit utilisé à l’encontre de
mouvements sociaux. Il arrive que ceux-ci, par les violences qu’ils déclenchent,
portent atteinte aux principes fondamentaux de la République. Quand nous
apprenons que des mouvements identitaires incitent des individus à se rendre à la
sortie des lieux de culte pour procéder à des agressions, devons-nous prévenir ces
actes, au titre de mesures de police administrative, ou les laisser se déployer ? Au
reste, sur ces sujets, le Gouvernement est désireux d’améliorer le texte, de manière
qu’il atteigne son but. Sur ce sujet, comme sur le contrôle, il faut écarter toute
ambiguïté.
Notre objectif est de prévenir, par des mesures de police administrative,
sous le contrôle du juge des libertés qu’est le juge administratif, des atteintes
graves à la paix sociale, c’est-à-dire à ce qui constitue le fondement de la
République et le creuset de ses valeurs. Il ne s’agit en aucun cas d’empêcher
l’expression de la liberté syndicale ou politique.
Mme la garde des Sceaux. Monsieur Tourret, il ne sera pas possible de
recourir au référé liberté, qui relève du droit pénal. En revanche, puisque le projet
de loi relève du code de la justice administrative, on pourra utiliser le référé, qui
permet au Conseil d’État de statuer en urgence.
Toute personne qui a un intérêt personnel direct, suspectant l’utilisation
d’une technique de renseignement à son encontre pourra saisir la CNCTR, qui
l’appuiera éventuellement par la suite devant le Conseil d’État. La Commission
peut prononcer par exemple l’annulation de l’autorisation de recueil de
renseignements décidée par le Premier ministre ou demander la destruction des
données collectées. Saisi par un particulier qui a un intérêt personnel et direct à
agir, par la Commission ou par une juridiction saisie d’une procédure l’amenant à
connaître de l’utilisation de techniques de renseignement, le Conseil d’État pourra
rendre les mêmes décisions et indemniser la victime.
Ces actes relèvent de la juridiction administrative, car il s’agit de revenir,
le cas échéant, sur des décisions du Premier ministre, et de contrôler et de remettre
en cause la décision d’instances administratives.
Mme Marie-Françoise Bechtel. Je félicite le président et rapporteur, ainsi
que M. Verchère, de s’être saisis d’un sujet en jachère. La France n’a pas la
culture du renseignement. On n’imagine pas, dans notre pays, qu’un grand