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quand nos amis anglo-saxons parlent ordinairement de leur « Intelligence
Service ».
Le projet de loi ne doit rien à l’émotion ni aux circonstances. Si les
événements de janvier lui confèrent une actualité particulière, il est le fruit d’une
volonté ancienne du président de la République, du Premier ministre et du
Gouvernement, ainsi que de la délégation parlementaire au renseignement.
Annoncé dès juillet 2014 et prévu dans l’agenda des réformes pour 2015, il
s’inspire notamment du rapport d’information présenté en mai 2013 par JeanJacques Urvoas et Patrice Verchère, qui concluait à la nécessité prégnante d’une
loi encadrant les pratiques du renseignement.
Le contexte, marqué par les menaces qui pèsent sur la sécurité de nos
concitoyens, montre qu’il ne faut plus attendre. Nous devons légiférer avec
pragmatisme et sans naïveté, affirmer enfin que la France, comme tout État
démocratique moderne, peut légitimement disposer de cet outil de souveraineté
que sont des services de renseignement dotés de moyens adéquats, destinés à
protéger, à l’intérieur et hors de ses frontières, ses intérêts stratégiques et la
sécurité de ses ressortissants.
Cet impératif ne saurait nous faire oublier que notre pays est un État de
droit, et pas n’importe lequel : il demeure aux yeux du monde la patrie des droits
de l’homme, ce qui nous confère une responsabilité particulière. Les moyens dont
nous souhaitons que nos services disposent en toute légalité peuvent par nature
porter atteinte aux libertés individuelles. Ils doivent donc être employés avec
discernement, dans le respect du principe de proportionnalité, et être encadrés par
un contrôle rigoureux.
Certains textes ont vocation à susciter le débat. C’est le cas de celui-ci. Le
Gouvernement a le mérite d’ouvrir une discussion publique. Pour avoir
accompagné le rapporteur pendant les nombreuses auditions qu’il a organisées
depuis l’adoption du projet de loi, le 19 mars, par le conseil des ministres, j’ai
entendu les interrogations, les attentes et les craintes. Dès demain, notre
Commission va tenter d’y répondre en examinant les articles. Je ne doute pas que
ce travail de consolidation ne se poursuive en séance publique, à partir du 13 avril.
En harmonie avec le rapporteur, le groupe SRC présentera deux
amendements de principe. Le premier vise à affirmer le caractère public des
services de renseignement. Loin d’être déclarative et dépourvue de portée
juridique, une telle disposition vise à éviter qu’un jour, l’État n’en vienne à soustraiter à des officines privées tout ou partie de ses activités hautement régaliennes.
Nombreux sont les exemples, autour de nous, qui justifient cette précaution
d’écriture.
Le second amendement vise à préciser le périmètre d’intervention des
services de renseignement. On mesure la difficulté d’un tel exercice. Comment
délimiter le recours au renseignement pour des motifs d’intérêt public ? Comment