— 79 —
Au total, une telle évolution risquerait d’engendrer des tensions dans le
fonctionnement de nos prisons. Parce qu’elle doit exécuter les mesures de justice,
l’administration pénitentiaire est intégrée, depuis 1911, au ministère de la Justice ;
par la suite, la juridictionnalisation de l’application des peines a renforcé le
contrôle de l’autorité judiciaire sur les établissements. Or si l’on intégrait le
renseignement pénitentiaire à la communauté du renseignement, amenant le
ministère de la Justice à mettre directement en œuvre des techniques de recueil
d’informations, l’on brouillerait sa relation avec le ministère de l’Intérieur. En
effet, l’État de droit ne saurait fonctionner avec un ministère de l’Intérieur et
demi ! Évitons de perturber l’autorité du ministère de l’Intérieur sur les services de
renseignement par la création d’un métier approximatif au sein de l’administration
pénitentiaire.
En revanche, nous donnons à l’administration pénitentiaire les moyens et
les effectifs nécessaires pour assurer ses missions de sécurité dans les
établissements, où sont désormais affectés des officiers chargés du renseignement.
Durant les six derniers mois de 2014, nous avons structuré nos relations avec le
ministère de l’Intérieur, qui se traduisent depuis le début de l’année par
l’intégration au sein de l’Unité de coordination de la lutte antiterrorisme (UCLAT)
d’un directeur pénitentiaire et par la participation de l’administration pénitentiaire
aux réunions hebdomadaires de l’UCLAT et des états-majors de sécurité
départementaux. Le ministre de l’Intérieur et moi-même avons émis des
circulaires communes et travaillons sur un protocole national – que nous
émettrons après l’adoption de ce projet de loi – qui permettra de mieux structurer
la circulation de l’information entre l’administration pénitentiaire et les services de
renseignement. Nous travaillons également avec les ministères de l’Intérieur et de
la Défense à la possibilité pour les services de renseignement d’intervenir
directement dans les établissements pénitentiaires afin d’y pratiquer les techniques
de recueil d’informations. Les missions des uns et des autres étant clairement
définies – sauf à prendre la décision de changer la nature du métier de surveillant
pénitentiaire –, nous pensons préférable de renforcer la structuration de nos
relations avec les services de renseignement du ministère de l’Intérieur et de la
Défense pour permettre un travail d’échanges plus intense et plus suivi. Cette
décision n’exclut pas que le personnel pénitentiaire participe à la formation
dispensée par l’Académie du renseignement.
Le troisième sujet qui concerne le ministère de la Justice est celui du
fichier devant répertorier les personnes prévenues ou condamnées pour des faits
de terrorisme. Les dispositions correspondantes n’ont pas été intégrées à ce projet
de loi parce que nous attendons encore les avis de la Commission nationale de
l’informatique et des libertés (CNIL) et du Conseil d’État, qui doivent nous
parvenir le 7 et le 9 avril. Le Premier ministre s’étant engagé sur la création de ce
fichier, nous avons envisagé, au cas où ces deux avis n’arriveraient pas à temps,
de retenir comme véhicule législatif le texte portant adaptation de la procédure
pénale au droit de l’Union européenne, actuellement en navette parlementaire. Le
calendrier semble finalement nous permettre d’ajouter cette mesure au projet de
loi sur le renseignement, mais c’est à vous qu’il reviendra de décider si cette