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que les suites données à ses recommandations ne sont pas satisfaisantes, elle
pourra saisir le Conseil d’État, celui-ci pouvant également l’être par tout
particulier qui aura au préalable saisi la CNCTR. Les conditions de procédure –
notamment en matière de secret défense et d’habilitation – ont été rappelées par le
ministre de l’Intérieur.
À côté des dispositions relatives au contrôle juridictionnel, une autre série
de mesures concerne le renseignement pénitentiaire et le suivi des personnes
particulièrement surveillées. Après avoir renforcé le contrôle pénitentiaire en
2012, puis en 2013, nous l’avons restructuré en 2014. Le service de
l’administration pénitentiaire a bénéficié d’un apport de personnel qualifié,
notamment d’officiers ; le renseignement a été renforcé au niveau de
l’administration centrale, mais également au sein des directions interrégionales et
d’une cinquantaine d’établissements sensibles. Après un premier plan
antiterroriste intergouvernemental lancé en avril 2014, un deuxième a suivi en
janvier 2015, renforçant une série de dispositifs déjà en œuvre dans les
établissements pénitentiaires – technologies de brouillage et de détection, filets
anti-projection et portiques de détection – et augmentant les effectifs que viennent
compléter des analystes veilleurs, des informaticiens ou des interprètes. Dans le
cadre de ces deux plans, nous avons décidé d’élargir les compétences du service
pénitentiaire et de créer une cellule de réflexion pluridisciplinaire intégrant des
membres du personnel p��nitentiaire ainsi que des chercheurs et des experts en
matière de politique internationale ; nous mettons également en place une cellule
de veille informatique sur les réseaux sociaux.
Cet élargissement des compétences, des moyens et des effectifs du
renseignement pénitentiaire m’a conduite, dès 2014, à m’interroger sur le statut
juridique de ce service. Fallait-il l’intégrer à la communauté du renseignement ?
Nous avons finalement considéré que le rôle de prescripteur de techniques de
renseignement entrerait en contradiction avec l’obligation constitutionnelle du
ministère de la Justice – énoncée à l’article 66 et confirmée par la jurisprudence du
Conseil constitutionnel – de garantir la préservation des libertés. S’il apparaît
important d’encadrer juridiquement les missions du renseignement pénitentiaire –
que nous avons renforcé et structuré –, il n’est pas souhaitable qu’il s’occupe
directement du recueil et du traitement d’informations. En effet, cette tâche ne
correspond pas au métier qu’exerce actuellement le personnel pénitentiaire, chargé
d’assurer la sécurité des établissements, de prévenir les risques d’évasion et
d’éviter la commission d’infractions en détention ou à distance ; nous renforcerons
les moyens lui permettant d’assurer ces missions, notamment la capacité de
détecter, de localiser, de brouiller et d’interrompre des communications. Au
contraire, les finalités énoncées dans le titre Ier de la loi – notamment la protection
des intérêts de la politique étrangère de la France ou de ses intérêts économiques –
apparaissent beaucoup trop larges pour relever des missions des surveillants
pénitentiaires. Par ailleurs, leur confier un métier nouveau supposerait de leur
délivrer une formation différente ; en effet, l’écart est grand entre la tâche
consistant à assurer la surveillance, la garde et la préparation à la réinsertion et
celle qui revient à mettre directement en œuvre des techniques de renseignement.