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En effet, il évoque, en son alinéa II, les « décisions prises par le conseil
national du renseignement » et, en son alinéa IV, les « instructions du président de
la République » à l’intention des services de renseignement.
La formulation du premier de ces alinéas ne pose aucun problème. Les
décisions prises par le président de la République dans le cadre du conseil national
du renseignement sont en effet parfaitement conformes à l’article 15 de la
Constitution (« Le président de la République est le chef des armées. Il préside les
conseils et les comités supérieurs de la défense nationale ») dans la mesure où
cette instance est une formation spécialisée du Conseil de défense et de sécurité
nationale selon l’article R*.1122-6 du code de la défense. De plus, toutes les
décisions prises par le chef de l’État en son sein sont soumises au contreseing du
Premier ministre et des ministres responsables en vertu de l’article 19 de la
Constitution.
En revanche, la seconde prescription laisse entendre que le président de la
République serait en mesure de transmettre des instructions particulières aux
services de renseignement en dehors du conseil national du renseignement. Ces
instructions s’affranchiraient du même coup du contreseing du Premier ministre et
des ministres responsables (1). Une telle faculté se révélerait pourtant
contradictoire avec la position exprimée par le Constituant à l’occasion de la
réforme constitutionnelle de 2008, qui vient d’être rappelée. Au demeurant, ces
mesures réglementaires s’opposeraient également aux dispositions législatives du
code de la défense tel que réformé en 2009. Selon Jean Massot, « la loi de 2009
ajoute de nouvelles responsabilités à celles du Premier ministre » (2), ainsi qu’en
témoigne parfaitement l’article L. 1131-1 du code de la défense qui dispose, en
son I : « Le Premier ministre dirige l’action du Gouvernement en matière de
sécurité nationale. » Or, le chef du Gouvernement n’a plus les moyens d’exercer
cette responsabilité, dont l’a dépossédé le président de la République…
L’observation du processus d’élaboration du projet de loi conduit donc
votre rapporteur à rappeler combien il considère que l’idée de rattacher le CNR
tant à la présidence de la République qu’au Premier ministre se révèle pertinente.
Il pourrait être envisagé de le nommer, par exemple, conseiller renseignement du
Premier ministre (à l’image de la pratique observable jusqu’il y a peu pour le
secrétaire général aux affaires européennes qui dépend administrativement des
services du Premier ministre mais occupait également les fonctions de conseiller
affaires européennes au cabinet du président de la République).
(1) Le Conseil d’État a déjà rappelé (CE, Ass., 27 avril 1962, Sicard et autres) que le pouvoir réglementaire du
Président de la République (et a fortiori le pouvoir d’instructions) doit être soumis au contreseing du
Premier ministre et des ministres responsables. Il a également établi (décision n° 338944 en date du 4 mai
2011 concernant le Conseil de la création artistique) la constitutionnalité du Conseil de création artistique
dans la mesure où celui-ci, présidé par le Président de la République, ne dispose d’aucun pouvoir
administratif ou budgétaire non soumis au contreseing ; sans celui-ci, le Conseil d’État évoque uniquement
la capacité, pour le Conseil de création artistique et, par contrecoup, pour le Président de la République,
de formuler des recommandations qui « ne lient aucune autorité ».
(2) Jean Massot, Le chef de l’État, chef des armées, Paris, LGDJ, 2011, p. 49.