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correspondant au cadre légal. À l’inverse, aux États-Unis, où règne une
« idéologie de la capture » (1), le dispositif de renseignement est tourné vers la
détection de la menace elle-même et suppose un espionnage massif, sans réelle
restriction autre que celle induite par les limites technologiques. La loi devra donc
affirmer ce principe : jamais nos concitoyens ne pourront faire l’objet d’un
espionnage massif puisqu’ils ne sauraient être suspectés de constituer une menace
potentielle pour l’État et, par voie de conséquence, pour eux-mêmes.
Le rapport concluait qu’en France, le renseignement n’incarnait pas sa
propre finalité mais était un moyen pour préserver notre modèle
démocratique.
En règle générale, la philosophie sous-tendue par l’ensemble de ces
rapports pointait la nécessité de poser un cadre juridique pour les services de
renseignement « à froid » et non à l’occasion d’une crise mettant en lumière un
potentiel dysfonctionnement.
Tel est précisément l’objet du présent projet de loi.
3. Une écriture coopérative
La rédaction du projet de loi a été marquée par le rôle central à la fois du
préfet coordonnateur du renseignement et du Premier ministre dont le cabinet a
coordonné directement les travaux de préparation du texte avec l’appui de ses
services. À ce titre, fait notable, le secrétariat général de la défense et de la
sécurité nationale a joué un rôle logiquement moins éminent que, par exemple,
lors de la rédaction du projet de loi de programmation militaire, pour lequel il
avait assumé une place centrale.
Comme évoqué, la phase administrative de rédaction du projet de loi a
également été marquée par le rôle du coordonnateur national du renseignement,
qui a participé à toutes les réunions préparatoires.
Reste que son positionnement auprès du président de la République peut
d’ailleurs poser question en termes constitutionnels (2). Ainsi, selon le décret
n° 2010-299 du 22 mars 2010, le coordonnateur et son équipe relèvent « pour
[leur] gestion administrative et financière » du Secrétariat général du
gouvernement, donc du Premier ministre, alors même que le président de la
République est le principal bénéficiaire de leur action.
Or en l’état, l’article R*.1122-8 prévoit des dispositions qui ne sont que
très difficilement compatibles avec les articles 13, 18, 19, 20, 21 et 67 de la
Constitution.
(1) Pierre-Antoine Chardel, « Données personnelles et devenir des subjectivités, questions d’éthique »,
Sécurité et Stratégie, n° 17, octobre-décembre 2014, p. 5-11.
(2) Sur ce point, se reporter au rapport précité, Pour un « État secret » au service de notre démocratie, p. 105.