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efficace que doit normalement assurer, au moins en dernier ressort, le pouvoir
judiciaire car il offre les meilleures garanties d’indépendance, d’impartialité et de
procédure régulière. »
L’absence de garanties suffisantes a d’ailleurs abouti à la condamnation de
la Roumanie (1). La CEDH formulait divers griefs à la procédure roumaine
d’écoutes téléphoniques judicaires : tout d’abord, celles-ci pouvaient être réalisées
sur simple autorisation du procureur, non indépendant du pouvoir exécutif, et sans
limite de temps ; par ailleurs, ces autorisations ne faisaient l’objet d’aucun
contrôle a priori de la part d’un juge ou d’une autorité indépendante, d’office ou à
la demande de la personne surveillée ; en outre, aucun contrôle a posteriori du
bien-fondé des interceptions n’était possible ; enfin, la loi ne prévoyait aucune
disposition pour préserver l’intégrité des enregistrements ni, ensuite, pour
encadrer leur destruction ultérieure.
D’ailleurs, comme évoqué précédemment, la France a déjà été condamnée
pour la mise en œuvre de moyens spéciaux d’investigation dans un cadre
judiciaire. En matière d’interception des communications, la CEDH avait
considéré, dans l’arrêt Kruslin c. France du 24 avril 1990, que « le droit français,
écrit et non écrit, n’indique pas avec assez de clarté l’étendue et les modalités
d’exercice du pouvoir d’appréciation des autorités dans le domaine considéré » (2).
En effet, la légalité des interceptions de sécurité reposait alors sur une simple
interprétation très large de l’article 81 du code de procédure pénale, autorisant le
juge d’instruction à procéder à tous les actes d’instruction qu’il estimait utiles à la
manifestation de la vérité. La Cour de cassation y avait vu à plusieurs reprises la
base légale d’une faculté laissée au juge d’ordonner une écoute téléphonique et le
droit interne s’en était alors contenté. Elle avait pourtant amorcé un revirement de
jurisprudence en 1989, d’abord par la chambre criminelle (3), puis par l’assemblée
plénière (4) préfigurant la condamnation de notre pays. Parallèlement, l’évolution
de la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative certes à un domaine
distinct, mais touchant à une liberté non moins fondamentale – l’inviolabilité du
domicile – ne faisait que mettre davantage en relief une carence juridique
certaine (5).
Mais, comme l’indiquait la CEDH, « les écoutes et autres formes
d’interceptions des entretiens téléphoniques représentent une atteinte grave au
respect de la vie privée et de la correspondance. Partant, elles doivent se fonder
sur une “loi” d’une précision particulière. L’existence de règles claires et
détaillées en la matière apparaît indispensable, d’autant que les procédés
techniques utilisables ne cessent de se perfectionner (6) ». Si la Cour reconnaissait
(1) CEDH, 26 avril 2007, Popescu c. Roumanie (n° 2).
(2) CEDH, 24 avril 1990, Kruslin c. France, considérant n° 36.
(3) Cass. crim., 13 juin 1989, Procureur général près la cour d’appel de Paris et autre.
(4) Cass. Ass. plén. 24 novembre 1989, Procureur général près la cour d’appel de Paris - Baribeau et Derrien.
(5) Décisions n° 83-164 DC du 29 décembre 1983, loi de finances pour 1984 et n°84-184 DC du 29 décembre
1984, loi de finances pour 1985.
(6) Id.