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des informations sensibles et confidentielles, et que, par voie de conséquence, les
restrictions apportées à la procédure sont justifiées. Elle veille toutefois si
considérées globalement, les restrictions en question ne sont pas disproportionnées
ou attentatoires au droit du requérant à un procès équitable. Ainsi a-t-elle
considéré, dans l’affaire Kennedy contre Royaume-Uni que le système britannique
des interceptions nationales était équilibré en ce que les garanties suivantes
apportaient un contrepoids suffisant en l’espèce : saisine très large par toute
personne soupçonnant la mise en œuvre d’une technique de renseignement,
caractère indépendant et impartial de l’organe de contrôle, droit de communication
total offert à l’organe de contrôle couplé à des pouvoirs importants d’annulation
de l’autorisation d’interception, d’ordonner la destruction des informations
intercepter et d’octroyer une indemnité en réparation du préjudice subi (1) .
Le présent projet de loi s’inscrit dans cette recherche constante d’équilibre
entre la protection de la sécurité nationale à travers la mise en œuvre de techniques
de recueil de renseignement et le respect du droit à un procès équitable de tout
citoyen qui pourrait être concerné par l’un de ces procédés. L’article 4 s’inscrit
dans ce cadre en proposant d’introduire un contentieux dérogatoire au droit
commun adapté aux exigences du secret de la défense nationale.
2. Un contentieux dérogatoire au droit commun adapté aux exigences du
secret de la défense nationale
a. La compétence en premier et dernier ressort du Conseil d’État
Le 1° du présent article insère un nouvel article L. 311-4-1 au sein du
code de justice administrative, pour confier l’ensemble du contentieux de la mise
en œuvre des techniques de recueil de renseignement au Conseil d’État, en
premier et dernier ressort, par coordination avec le nouvel article L. 841-1 du code
de la sécurité intérieure (2). Ses décisions ne seront pas susceptibles d’appel ni de
pourvoi en cassation. La compétence du Conseil d’État en premier et dernier
ressort est déjà prévue par l’article L. 311-4 du code de justice administrative en
cas de recours contre les décisions de plusieurs autorités administratives
indépendantes telles le Conseil supérieur de l’audiovisuel par exemple.
Le Conseil d’État exerce un rôle de juge de plein contentieux qui lui
confère les pouvoirs d’annulation, d’indemnisation ou d’injonction et qui lui
permet également de lier l’appréciation des juges de droit commun qui le
saisissent d’un recours préjudiciel sur la question de la régularité des techniques
de renseignement mises en œuvre dans le cadre du litige sur lequel ils doivent se
prononcer.
L’étude d’impact du présent projet de loi souligne que, compte des
exigences du Conseil constitutionnel et de la Cour européenne des droits de
(1) CEDH, 18 mai 2010, Kennedy c. Royaume-Uni, n° 26839/05.
(2) Voir le commentaire de l’article 1er relatif au titre IV du nouveau livre VIII du code de la sécurité intérieure
dans le présent rapport.