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Si la proposition du rapporteur me gêne, c’est que nous devons,
aujourd’hui, faire face à deux types de situations : des situations dans lesquelles il
faut réagir rapidement – d’où le régime de l’urgence absolue – et des situations qui
tiennent aux techniques du renseignement et qui impliquent, pour être efficace, de
pouvoir mobiliser des moyens en quelques minutes – d’où le régime de l’urgence
spéciale. La distinction entre urgence absolue et urgence spéciale n’a donc rien
d’absurde, compte tenu de la réalité de l’activité des services. Que vous le
reconnaissiez nous permettrait d’avancer ensemble et de refuser la fusion de ces
deux notions.
D’autant que leur fusion serait bien moins protectrice pour les libertés
publiques que ne l’est leur distinction. En effet, seul le régime de l’urgence
spéciale ne requiert pas l’autorisation préalable. Si les deux dispositifs sont
fusionnés, toutes les garanties liées à l’urgence absolue seront perdues. La fusion
de ces deux régimes est donc à la fois moins protectrice pour les citoyens et moins
efficace pour les services : alors même que nous aurions raboté leurs moyens
d’intervention dans un contexte très élevé de risque terroriste, est-il concevable
qu’ils risquent d’être pointés du doigt pour des failles qui ne leur seraient pas
imputables ?
Pour ces trois raisons, je suis défavorable à l’amendement du rapporteur.
Je tiens à mettre le Parlement devant ses responsabilités en développant
devant la Commission mes arguments qui seront, de ce fait, inscrits au compte
rendu : je souhaite, en effet, en cas de problème lié au terrorisme, pouvoir rappeler
que je l’avais anticipé, le Gouvernement devant lui aussi, et c’est bien normal,
rendre des comptes.
Conformément aux principes démocratiques qui sont les miens, je ne
souhaite pas que des services puissent, sous la seule autorité de leurs chefs,
engager des actions aussi sensibles sans l’autorisation du Premier ministre.
L’urgence pour raisons opérationnelles doit être limitée au strict nécessaire. C’est
pourquoi, je le répète, le texte distingue l’urgence absolue de l’urgence spéciale.
Dans une démocratie, seuls ceux qui disposent de la légitimité politique doivent
prendre les décisions et en rendre compte : l’efficacité tant du contrôle
parlementaire que du contrôle juridictionnel l’exige.
Que ce soit pour des raisons de respect des réalités opérationnelles et donc
d’efficacité, de protection des libertés publiques et d’efficacité du contrôle
parlementaire, je défends la position du Gouvernement. Le faisant – c’est tout le
paradoxe de notre débat –, je reprends à mon compte une partie des arguments qui
ont inspiré l’amendement du rapporteur.
M. le rapporteur. Nous partageons tous avec le ministre le souhait que
nos propos étayent les décisions qui seront prises.
Le droit administratif connaît fort bien la notion de deux urgences : le
Conseil d’État l’a validée à plusieurs reprises. Ce que je n’ai pas réussi à

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