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Je rappellerai d’abord qu’il convient d’apprécier le texte de loi en
discussion à l’aune des dispositions aujourd’hui applicables. Or la conception ici
adoptée de la défense de nos intérêts économiques et scientifiques fondamentaux
est beaucoup plus restrictive que dans le texte antérieur.
Si nous avons opté pour cette rédaction, monsieur Morin, c’est bien parce
que, comme vous, nous voulons prendre des précautions afin que la défense de
nos intérêts ne contrevienne pas aux libertés publiques.
Ensuite, il convient d’apprécier ce que nous proposons à l’aune de ce qui a
cours dans les grands pays européens et les autres grandes démocraties. Ainsi, la
loi britannique équivalente invoque le « bien-être économique » pour justifier
l’intervention des services de renseignement. Vous voyez comme nous nous
montrons précautionneux en comparaison d’autres nations que l’on cite parfois en
exemple et dont les bonnes mœurs ne suscitent que rarement des interrogations.
Sur ce texte essentiel qui vient en discussion dans un contexte décisif, il
importe que nous nous sentions tous en confiance. Car plus le projet suscitera le
consensus au sein du Parlement, plus nous serons forts, y compris s’agissant de
l’exercice par le Parlement de ses prérogatives de contrôle.
M. le ministre de la Défense. J’ajoute, car cela ne saurait être trop répété,
que chaque service ne peut agir que dans son domaine de compétence.
M. Hervé Morin. Je n’ai rien contre le benchmarking, notamment en
matière économique, mais rien ne nous oblige à faire comme les autres. En
particulier, je ne prendrais pas le système britannique pour référence, d’autant
qu’il a, contrairement à nous, la vertu de sanctionner très sévèrement le moindre
dérapage : c’est un régime de sanction plutôt que d’autorisation.
Quant à la loi du 10 juillet 1991, elle ne concernait que les interceptions de
communications téléphoniques. Il ne s’agissait pas, comme aujourd’hui, de
pénétrer dans les téléphones portables, dans les ordinateurs portables, dans les
boîtes de messagerie électronique. La protection des libertés et des données
personnelles est devenue un sujet d’autant plus sensible que les techniques se sont
faites invasives. Celles-ci doivent donc être davantage encadrées.
Enfin, on invoque l’urgence ; or, si j’ai toute confiance dans les services,
je sais aussi que l’on peut organiser l’urgence. Il ne faudrait pas que sous ce
prétexte, ou au nom des moyens que nous avons développés, nous ne nous dotions
pas des instruments de protection dont nous avons besoin.
Je le répète, il ne s’agit pas de polémiquer ni de dresser l’opposition et la
majorité l’une contre l’autre. Je rappelle que j’ai été le ministre qui a fait mettre
fin au fichier EDVIGE – acronyme d’« exploitation documentaire et valorisation
de l'information générale ». Nous ne légiférons ni pour six mois – je l’ai dit –, ni
uniquement en réaction aux attentats de janvier.

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