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MESDAMES, MESSIEURS,
Définir le renseignement n’est pas chose aisée. Pour l’ancien chef du
renseignement militaire israélien Yehoshafat Harkabi, il s’agit d’une « institution
de clarification de la réalité ». Ce postulat souligne qu’il s’agit d’abord d’une
institution, c’est-à-dire d’un corps important dont les membres, tenus de travailler
en collaboration, mènent une activité hétérogène recouvrant des champs
diversifiés. Et ensuite que l’objectif est d’éclairer la réalité malgré toute la
complexité et les aléas que cette tâche comporte. Le renseignement naît donc de la
« rencontre d’une interrogation, d’une autorité prête à la formuler et d’hommes
auprès desquels la vérifier » (1) devenant ainsi un indispensable adjuvant de la
décision.
Le renseignement est donc tout à la fois, pour reprendre une autre
définition donnée en 1949 par Sherman Kent, professeur d’histoire à l’université
de Yale et l’un des premiers analystes du renseignement américain, une
information (le produit), une activité (la pratique) et une organisation (le
producteur) (2).
Le projet de loi relatif au renseignement (n° 2669), déposé par le
Gouvernement et dont est saisie la Commission des Lois, ne traite pas de toutes
ces facettes. Il n’est en effet pas une « loi-cadre » sur les services dédiés à ces
activités mais la marque d’une indispensable volonté d’en finir avec la mosaïque
extrêmement complexe, peu lisible voire irrationnelle des textes qui régissent leur
organisation et leurs moyens d’investigation.
Fait inhabituel, ce texte a été déposé « au nom de et par » le Premier
ministre, qui a ainsi souhaité souligner la dimension éminemment
interministérielle de la politique publique de renseignement à laquelle le projet de
loi entend donner un cadre juridique ainsi que son engagement pour l’adoption
d’un cadre juridique unifié et protecteur des libertés individuelles. Il suit en cela
l’exemple de M. Michel Rocard et Mme Édith Cresson concernant la loi n° 91-646
du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par la voie des
communications électroniques.
Dans le même esprit, et l’initiative est assez rare pour être soulignée, trois
ministres – celui de la Défense, celui de l’Intérieur et la garde des Sceaux – sont
chargés de le présenter et ont, de fait, participé aux travaux de la commission des
Lois le mercredi 1er avril 2015.
(1) Gérard Arboit, Des services secrets pour la France, CNRS Éditions, 2014, p. 18.
(2) Strategic Intelligence for American World Policy, 1949-1966.