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de l’État et, par voie de conséquence, à la préservation des libertés individuelles. À
l’issue de ce processus, plusieurs idées méritent d’être retenues.
A. QUELLE PHILOSOPHIE LÉGISLATIVE ?

Si l’existence d’un texte de loi unique consacré au renseignement semble
désormais irrévocable, la définition de son périmètre fera nécessairement l’objet
d’arbitrages. En ce domaine, différentes conceptions peuvent être développées qui
s’affrontent. Il est par exemple possible de considérer que le texte législatif doit se
limiter aux techniques spéciales mises en œuvre par les services de renseignement
et aux contrôles qui en découlent à l’image de la loi du 10 juillet 1991 relative au
secret des correspondances émises par la voie des communications électroniques.
Celle-ci constituait une nécessaire et véloce réaction du gouvernement de M.
Michel Rocard à la condamnation de notre pays par la Cour européenne des droits
de l’Homme68 à propos des écoutes téléphoniques judiciaires. Mais, depuis, les
autorités publiques ont consacré le rôle éminent du renseignement dans la vie
démocratique du pays, les menaces se sont considérablement accrues et les
technologies ont gagné en complexité.
Aussi peut-on également estimer profitable de rédiger une loi-cadre
précisant tant les missions des services de renseignement, que les techniques
spéciales potentiellement mises en œuvre pour assurer ces missions, les contrôles
induits, la protection juridique des fonctionnaires du renseignement et les voies de
recours pour nos concitoyens… C’est la position de la DPR qui juge en effet
indispensable l’adoption d’un texte de loi cohérent et ambitieux qui ne se restreigne
pas à l’énumération de moyens offerts aux services de renseignement et des
modalités de contrôle.
Plus qu’une liste des techniques, la loi devra porter l’accent sur les missions
de nos services afin d’établir sans conteste qu’elles contribuent à préserver notre
État de droit, la forme républicaine de nos institutions et l’exercice quotidien de nos
libertés fondamentales. Mais il ne pourra pas uniquement s’agir de se reporter aux
décrets fondateurs des services ou de citer la seule définition des intérêts
fondamentaux de la Nation [proposition n° 4].
Une telle démarche elliptique ne satisferait pas aux préconisations de la
CEDH, laquelle réclame une certaine précision des textes en ce domaine. Ainsi, les
arrêts Amann c. Suisse du 16 février 2000 ou encore Uzun c. Allemagne du
2 septembre 2010 posent-il comme principe que des dispositions trop vagues ou
imprécises ne sauraient être considérées comme recevables. De même, l’exigence
de précision est, aux yeux de la Cour européenne, renforcée dès lors que les
atteintes aux droits et libertés sont conséquentes. C’est particulièrement le cas
lorsque les moyens d’investigation mis en œuvre le sont de façon secrète :
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CEDH, arrêts Huvig et Kruslin c. France du 24 avril 1990.

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