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FILIÈRES « DJIHADISTES » : POUR UNE RÉPONSE GLOBALE ET SANS FAIBLESSE

En ce qui concerne le premier cas de figure, la DGSI signale aux
services turcs les Français qu’elle soupçonne de vouloir partir en Turquie
aux fins d’inscription sur la liste turque de « non entrée » qui comptait
environ 7 000 noms au moment du déplacement de votre commission
d’enquête, dont environ 600 Français. Cette inscription n’est pas
systématique et les autorités turques gardent la main sur la liste, les services
français n’ayant pas la possibilité de vérifier qu’elle est cohérente avec leurs
propres fichiers. Toutefois, la situation devrait s’améliorer sur ce point
puisque la France dispose depuis la loi du 13 novembre 2013 de la possibilité
d’interdire la sortie de France aux personnes soupçonnées de vouloir
rejoindre des groupes terroristes en Syrie.
À côté du traitement direct des cas qui leur sont signalés, les services
turcs ont mis en place un système de profilage des individus aux fins
d’interdire l’entrée de ceux qui sont présumés susceptibles d’avoir
l’intention d’aller faire le djihad. Un total de 1 400 personnes auraient ainsi
été soumises à une analyse fondée sur l’âge, le comportement à l’aéroport et
d’autres critères, ce qui aurait abouti au refoulement de plusieurs centaines
de personnes, y compris des personnes qui, de l’aveu même des autorités
turques, ont été soupçonnées à tort, en raison notamment de leur apparence.
Cet élément est important au moment où la France s’apprête à mettre en
place le fichier PNR, dans la mesure où ce fichier sera pareillement utilisé
pour faire du profilage : les critères devront être suffisamment précis et le
mode de prise en charge des personnes repérées devra être suffisamment
élaboré pour minimiser autant que possible les cas de « faux positifs ».
Dans le second cas de figure, les autorités turques peuvent signaler
aux autorités françaises qu’elles détiennent dans un centre de rétention un
Français au titre de la législation turque sur le droit au séjour. Dans certains
cas, le Français peut avoir été placé en rétention par l’un des services de
sécurité turc à la demande de l’attaché de sécurité français, lui-même saisi
par la DGSI. Le retour en France est alors en principe organisé en
coopération avec les services français. On peut citer l’arrestation de Mourad
Farès en août 2014 comme un exemple de réussite de ce type de coopération.
Ce franco-marocain qui aurait facilité l’entrée en Syrie de nombreux Français
a été appréhendé par les services turcs à la demande des services français et
renvoyé en France où il a été placé en détention provisoire.
Ce dispositif de coopération connaît toutefois certaines limites.
D’abord, cette coopération se fait au coup par coup essentiellement à la
demande des autorités françaises, les autorités turques n’agissent que
rarement de manière spontanée. Ensuite, la Turquie n’avertit pas
systématiquement la France lorsqu’elle détient un Français dans un centre de
rétention. Symbole du manque de systématicité et du caractère quelque peu
« artisanal » de cette coopération, le « raté » des trois djihadistes français
arrivés à Marseille alors qu’ils étaient attendus à Paris.

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