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la collaboration avec les opérateurs reste perfectible 1. Tel était d’ailleurs l’un
des objectifs du déplacement aux États-Unis du Ministre de l’intérieur à la
mi-février au cours duquel il a rencontré les responsables des principaux
opérateurs d’Internet et les a conviés à une réunion de travail à Paris qui
devrait se tenir en avril 2015.
L’un des enjeux juridiques de cette coopération consiste à
rapprocher les principes de la législation française, qui prohibe désormais
l’apologie du terrorisme sur Internet, des pratiques de ces sociétés
américaines qui s’appuient sur les standards du droit américain et
principalement sur le premier amendement à la Constitution américaine
garantissant la liberté d’expression, principe essentiel comme la délégation
de votre commission d’enquête a pu le constater lors de son déplacement
aux États-Unis.
La portée du premier amendement à la Constitution des États-Unis2
Le premier amendement dispose que « Le Congrès ne fera aucune loi accordant une
préférence à une religion ou en interdisant le libre exercice, restreignant la liberté d’expression, la
liberté de la presse ou le droit des citoyens de se réunir pacifiquement et d’adresser à l’ État des
pétitions pour obtenir réparation de torts subis »3. Ces dispositions protègent extensivement la
liberté d’expression aux États-Unis, principe auxquels les citoyens américains sont
profondément attachés et dont la mise en œuvre est garantie par les tribunaux. Cette
interdiction de porter atteinte à la liberté d’expression s’applique ce pendant aux autorités
publiques américaines mais pas aux acteurs privés qui sont libres de définir les règles qu’ils
souhaitent en la matière. Ce principe fait également l’objet de limitations définies par la
jurisprudence, comme les menaces ou l’incitation à la violence ou les conspirations
criminelles.
Malgré ce principe, les autorités américaines se sont employées à encadrer
certains contenus sur Internet, en particulier la diffusion de la pornographie
(Communication Decency Act adopté en 1996 et Child Online Protection Act adopté en
1998). L’adoption de ces textes a suscité un contentieux à l’issue duquel l’extension de la
protection offerte par le premier amendement à Internet a été reconnue par la Cour
suprême dans un arrêt rendu en 1997 4. Puis, précisant les conditions pouvant légitimer une
atteinte à la liberté d’expression, la Cour suprême a jugé qu’il était nécessaire que le
gouvernement démontre que la restriction proposée avait répondu à un intérêt essentiel et
constituait le moyen le moins restrictif de répondre à ce besoin 5.
Interrogé par votre rapporteur, le Ministère de l’intérieur fait en outre valoir que les pratiques
peuvent varier d’une entreprise à l’autre. Ainsi, lorsqu’il est sollicité par réquisition concernant le
titulaire d’un compte, Facebook ne fournit pour l’instant qu’une réponse a minima, limitée à la
communication d’un carnet d’adresse, sans contenu sur les échanges. Twitter ne répond pour sa part
à aucune sollicitation.
2 Ces éléments d’analyse ont été recueillis par votre rapporteur auprès de l’Ambassade de France lors
de la mission de votre commission d’enquête aux États-Unis.
3 Traduction de M. Jean-Pierre Lassale in Les institutions des États-Unis, documents réunis et
commentés par Jean-Pierre Lassale, coll. "Documents d'études", La Documentation française, Paris,
2001.
4 Reno vs. American Civil Liberties Union (ACLU).
5 Ashcroft v. ACLU.
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