ALERTE À LA SOCIÉTÉ DE SURVEILLANCE
La société de surveillance menace notre capital
de protection des données et nos libertés
Questions à …
ALEX TÜRK
Sénateur du Nord
Président de la CNIL
Dans quel contexte avez-vous lancé cette alerte à la société de
surveillance ?
C’est lors de la conférence mondiale des commissaires à
la protection des données, à Londres, en novembre 2006,
que j’ai présenté, au nom de la Commission nationale de
l’informatique et des libertés, une initiative qui a reçu le soutien
des 75 délégations présentes.
« L’informatique doit être au service du citoyen et ne doit
porter atteinte ni à l’identité humaine, ni à la vie privée ni aux
libertés » est-il écrit dans la loi de 1978. Trente ans après,
deux vagues menacent pourtant nos autorités de protection des
données et les libertés qu’elles ont pour mission de protéger.
La première vague est d’ordre technologique, la seconde de
nature normative.
En quoi consiste cette vague technologique ?
Le progrès technologique devient de plus en plus complexe
à maîtriser car le délai séparant l’invention de sa mise en
œuvre se raccourcit. Le temps technologique connaît
une accélération constante, tandis que le temps
juridique demeure particulièrement lent, régi par le
rythme des procédures démocratiques. De même, la dimension
internationale des échanges de données rend difficile leur
contrôle. Cette tendance à la globalisation entre souvent
en conflit avec une autre caractéristique de la règle de droit,
à savoir son application à un territoire et à un champ de
compétence, délimité, ordonné, balisé.
Or, l’innovation technologique est à la fois porteuse de progrès
et de dangers. Les individus sont tentés par le confort qu’elle
procure, mais ils sont peu conscients des risques qu’elle
comporte. Ils ne se préoccupent guère de la surveillance de
leurs déplacements, de l’analyse de leurs comportements,
de leurs relations, de leurs goûts. Cette ambivalence du
progrès est difficile à concilier avec la règle juridique qui doit,
par définition, être univoque.
Par ailleurs, la technologie tend à devenir invisible parce
que de plus en plus de traitements de données sont réalisés à
l’insu des personnes et permettent de tracer leurs déplacements
physiques dans les transports en commun, leurs consultations
sur Internet, leurs communications téléphoniques… Cette
surveillance invisible est « virtuelle » puisqu’elle est liée aux
processus informatiques. Elle tend aussi à devenir « réelle » du
fait de l’extrême miniaturisation des procédés utilisés. Avec les
nanotechnologies, il sera bientôt impossible de distinguer à
l’œil nu si une technologie informatique est présente dans un
objet : dès lors comment encadrer et contrôler des traitements
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