Études et documents
de choisir les conversations interceptées dépourvues de pertinence et dont
la divulgation aurait porté atteinte au droit de l’accusé au respect de la vie
privée et de la correspondance. Elles constituaient donc une protection
importante. Or rien dans l’ordonnance du tribunal n’explique pourquoi ces
garanties n’ont pu être respectées. Dans ces conditions, l’ingérence n’était
pas « prévue par la loi », car les autorités n’ont pas suivi les procédures légales avant d’autoriser la lecture des procès-verbaux.
Conclusion : violation (unanimité).
Article 41 – La Cour alloue aux héritiers du requérant une somme au
titre du dommage moral.
Correspondance
Enregistrement d’une conversation téléphonique par une partie avec
l’assistance de la police : violation.
Arrêt M.M. c. Pays-Bas (no 39339/98). Arrêt 8.4 2003 [Section II] :
En fait : le requérant, un avocat, fut amené à rencontrer S., la femme
d’un de ses clients qui se trouvait en détention provisoire. S. déclara à son
mari que le requérant lui avait fait des avances. Le mari de S. en informa la
police, qui le signala à son tour au procureur. On suggéra à S. de brancher
un magnétophone sur son téléphone afin qu’elle puisse enregistrer les
appels provenant du requérant. Des policiers se rendirent chez elle pour
effectuer le branchement et lui montrer comment se servir du magnétophone. Ils lui suggérèrent d’orienter la conversation sur le sujet des avances. Par la suite, la police emporta les enregistrements de plusieurs
conversations. Le requérant fut reconnu coupable d’attentat à la pudeur. La
cour d’appel annula ce jugement mais reconnut, elle aussi, le requérant coupable d’attentat à la pudeur, sans se fonder sur les enregistrements.
En droit : article 8 – Nul ne conteste que c’est la police qui a suggéré à
S. d’enregistrer ses conversations avec le requérant. Avec l’autorisation du
procureur, la police a branché un magnétophone sur le téléphone de S., lui a
montré comment l’utiliser, lui a suggéré d’orienter la conversation sur le
sujet des avances et, enfin s’est rendue au domicile de S. pour y chercher les
enregistrements. Outre qu’elle était responsable de la conception de ce
plan, la police a ainsi joué un rôle crucial dans l’exécution de celui-ci. À cette
occasion, elle a agi, tout comme le procureur, dans l’exercice de ses fonctions officielles. La responsabilité de l’État était donc engagée et il y a eu
ingérence d’une « autorité publique » dans le droit du requérant au respect
de sa correspondance. À l’époque des faits, les écoutes téléphoniques ou
l’interception de télécommunications demandaient une enquête judiciaire
préliminaire et une décision du juge d’instruction, conditions dont aucune
n’a été respectée en l’espèce. L’ingérence n’était donc pas prévue par la loi.
Conclusion : violation (6 voix contre 1).
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