Les interventions de la CNIL
Le développement de l’informatique a considérablement facilité l’exploitation de la jurisprudence en permettant la création de bases de données juridiques. Ainsi, les juridictions ont, dès les années 80, constitué des bases de
données enregistrant les décisions qu’elles avaient rendues, à des fins de recherche documentaire interne au profit de ses membres. Parallèlement, de
véritables « banques de données » jurisprudentielles se sont développées,
sur initiative publique ou privée, consultables par voie télématique sur abonnement.
C’est à cette époque que la CNIL avait été alertée sur le fait que les interrogations de ces bases de données, qui comportaient l’intégralité de la décision
rendue, y compris l’identité des parties au procès, avaient quelquefois pour
objet non pas la recherche de décisions présentant un intérêt juridique dans
tel ou tel domaine, mais bien plutôt la recherche de l’ensemble des décisions
de justice concernant une même personne. Ainsi, d’outils de documentation
juridique, ces bases de données pouvaient être utilisées comme de véritables fichiers de renseignements.
À l’issue d’une réflexion d’ensemble menée en 1985, en liaison avec l’ensemble des juridictions et les éditeurs concernés, la CNIL a rappelé que les
bases de données jurisprudentielles constituent, lorsqu’elles comportent
l’identité des parties, des traitements automatisés d’informations nominatives au sens de l’article 5 de la loi du 6 janvier 1978 et doivent, à ce titre,
être déclarées à la Commission.
La CNIL a par ailleurs rappelé les dispositions de l’article 26 de la loi du
6 janvier 1978 aux termes desquelles toute personne peut s’opposer, pour
des raisons légitimes, à ce que des informations la concernant fassent l’objet
d’un traitement automatisé.
Cependant, sensible au fait que les bases de données mises en œuvre à
l’époque étaient soit des bases internes aux juridictions sans possibilité de
consultation extérieure, soit des bases accessibles par abonnement et/ou
pour un coût relativement élev�� — et, partant, principalement destinées aux
professionnels du droit —, la CNIL n’a pas estimé devoir recommander que
les décisions de justice enregistrées dans ces bases soient préalablement
anonymisées. Une éventuelle préconisation en ce sens était apparue disproportionnée dans la mesure où le risque d’un usage des informations nominatives étranger à la finalité documentaire de ces bases était alors considéré
comme faible, compte tenu des conditions de leur mise en œuvre.
Nouvelles technologies de diffusion de la jurisprudence : nouvelle réflexion
Des décisions de justice comportant le nom et l’adresse des parties sont aujourd’hui diffusées sur Internet.
Le faible coût des connexions au réseau (sans proportion avec le coût des
liaisons minitel), la facilité de duplication de toute information diffusée sur
Internet, l’impossibilité d’en contrôler l’usage à l’échelle du monde, et surtout l’utilisation de moteurs de recherche renouvellent incontestablement les
termes de la réflexion engagée en 1985.
En 1985, on ne pouvait rechercher et obtenir une décision de justice qu’en
se connectant à une banque de données juridiques et moyennant paiement
d’une redevance. En 2001, il suffit d’interroger un moteur de recherche sur
le nom d’une personne pour obtenir gratuitement l’ensemble des informations la concernant diffusées sur Internet à partir de sites géographiquement
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CNIL 22 rapport d'activité 2001