Les débats en cours
1 — Les technologies de reconnaissance biométrique ne reposant pas sur le
stockage des gabarits dans une base de données ne soulèvent pas de difficulté particulière en termes « informatique et libertés », dès lors que le gabarit est conservé sur
soi (une carte à puce) ou sur un appareil dont on a l’usage exclusif (un téléphone portable, un ordinateur, etc.) et nulle part ailleurs.
2 — En revanche, lorsqu’une base de données est constituée dans le cadre
d’un dispositif d’identification biométrique, l’élément biométrique retenu peut avoir
une incidence sur nos libertés et notre vie privée ; tel est le cas lorsque l’élément biométrique retenu « laisse des traces » dans notre vie quotidienne (ADN, empreinte
digitale). Dans un tel cas, le contrôle de finalité et de proportionnalité peut conduire
à accepter la mise en œuvre de telles bases de données lorsqu’un impératif particulier de sécurité le justifie.
3 — À défaut d’une telle justification particulière, et lorsqu’une base de données de gabarits est constituée, le choix d’un élément biométrique « ne laissant pas
de trace », tel que le contour de la main, la rétine, la reconnaissance vocale, etc.
devrait être préféré à la prolifération de fichiers d’ADN ou d’empreintes digitales.
Il demeure que loin de tout dogmatisme, la CNIL souhaite poursuivre toute
réflexion utile sur le sujet, en liaison avec les professionnels du secteur concerné et
ses homologues européens dans le souci de la recherche du meilleur équilibre possible.
E. Quelques réflexions plus générales
Au-delà de la technique, du souhait des professionnels concernés de rendre
leurs produits plus attrayants ou de mieux les distribuer, du souci des administrations
ou des entreprises de mieux sécuriser leurs locaux et, quelquefois, leurs personnels,
les technologies biométriques révèlent trois enjeux qu’on aurait tort de taire, dissimuler ou sous-estimer.
Le premier enjeu qui concerne la CNIL à titre principal, et sans doute quelques autres, est un enjeu au regard de la vie privée et des libertés personnelles lié à
la systématisation de la logique des traces, notamment pour l’ADN, les empreintes
digitales mais aussi, bientôt si ce n’est déjà, pour nos empreintes vocales ou l’identification par l’odeur, technologie émergente. Avec ces technologies le monde devient
une immense mémoire réelle (nos traces), doublé d’un monde virtuel (la recherche et
l’identification de nos traces).
Le deuxième enjeu est lié à l’affaiblissement de l’espace public anonyme.
Très largement au-delà de la vidéosurveillance, tous les moyens technologiques
nomades estompent la distinction jusqu’alors étanche entre les situations dans lesquelles on est anonyme et celles où nous nous identifions (un achat avec carte bancaire, un appel téléphonique que nous passons par un portable). Ainsi d’une
situation de liberté à une situation de non-liberté, il y a désormais bien davantage
gradation que distinction. Le bracelet électronique placé à la cheville du condamné
qui exécute sa peine à domicile n’est que la figure la plus spectaculaire de ce phénomène. Mais les technologies de reconnaissance du visage associées à la
e
CNIL 22 rapport d'activité 2001
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