CNCIS – 20e rapport d’activité 2011/2012
que la Cour de cassation, par sa jurisprudence, ne prive pas le requérant
de la protection effective offerte par le dispositif ainsi créé 1.
Pour autant, s’est peu à peu fait jour une difficulté qui risque de
prendre ampleur dans les années à venir, en raison de l’extrême diversification des nouvelles formes de communication. De fait, interceptions
judiciaires comme de sécurité requièrent d’être en présence – Lapalisse
n’aurait pas dit mieux – d’une correspondance. Or, comment se définitelle ? Même si les nombreuses définitions proposées comportent toutes
des éléments communs – message acheminé entre deux personnes, présence d’un fort intuitu personae, confidentialité des informations échangées, entre autres –, certaines communications électroniques posent
problème tout comme, d’ailleurs, les données techniques qu’elles produisent. La question est loin d’être anecdotique car elle se répercute,
immanquablement, sur l’interception qui les vise.
4. Correspondances et communications électroniques. Les possibilités de communiquer par l’Internet sont pléthores. Si le courrier électronique ne suscite plus guère, désormais, de difficultés 2, les listes de
diffusion, de discussion, chat, forums et, bien entendu, autres réseaux
sociaux relèvent-ils de la qualification de correspondance ? Ce n’est en
effet qu’à cette condition qu’ils relèvent du régime des interceptions. La
difficulté se révèle bien souvent délicate à résoudre car, en réalité, la
diffusion de l’information peut s’effectuer de multiples façons, même au
sein d’une forme de communication électronique unique (par exemple,
sur un forum ou sur Facebook 3) de sorte que, souvent, rien n’est véritablement clair ou tranché.
5. Si l’on prend l’exemple des listes de discussion, chaque abonné
recevant et envoyant des messages par courrier électronique et ceux-ci
étant au surplus envoyés en direct ou en léger différé et éventuellement
un par un, une réponse favorable semblerait de prime abord s’imposer,
d’autant plus que l’utilisateur peut très bien choisir de ne répondre qu’à
un seul abonné, ce qui accroît le caractère intuitu personae du message.
1) Pour deux condamnations de l’État français ; CEDH, 24 août 1998, Lambert c/France,
préc., à propos de l’absence de qualité du requérant pour se plaindre de la prolongation
d’écoutes ordonnées sur la ligne d’un tiers ; 29 mars 2005, Matheron c/France : n° 57752/00,
au sujet d’écoutes ordonnées par un magistrat au cours d’une procédure judiciaire et
opposées au requérant dans une autre, la qualité de magistrat impliquant ipso facto, pour
la chambre criminelle, la régularité des interceptions, privant ainsi de la protection de la loi
toutes les personnes qui se verraient opposer le résultat d’écoutes téléphoniques réalisées
dans des procédures étrangères à la leur.
2) Il s’agit bien d’une correspondance privée selon la jurisprudence : TGI Paris 2 novembre
2000 : D. 2000, IR, 286.
3) La messagerie privée que permet ce réseau peut s’assimiler �� de la correspondance,
s’agissant d’une forme de courrier électronique, alors que le « mur » suscite davantage
de discussion dans la mesure où il constitue parfois un espace public au sein duquel les
messages ne sont pas confidentiels puisque son titulaire en choisit le degré d’accessibilité
(aux « amis », aux « amis des amis », etc.).
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