CNCIS – 20e rapport d’activité 2011-2012
droit à l’identité et au développement personnel ainsi que le droit pour
tout individu de nouer et de développer des relations avec ses semblables et le monde extérieur. Il existe donc une zone d’interaction entre
l’individu et autrui qui, même dans un contexte public, peut relever de
la « vie privée » (P.G. et J.H. c/ Royaume-Uni, n° 44787/98, § 56, CEDH
2001-IX, Peck c/ Royaume-Uni, n° 44647/98, § 57, CEDH 2003-I, et Perry
c/ Royaume-Uni, n° 63737/00, § 36, CEDH 2003-IX).
44. Un certain nombre d’éléments entrent en ligne de compte lorsqu’il
s’agit de déterminer si la vie privée d’une personne est touchée par des
mesures prises en dehors de son domicile ou de ses locaux privés. Puisqu’à
certaines occasions les gens se livrent sciemment ou intentionnellement à
des activités qui sont ou peuvent être enregistrées ou rapportées publiquement, ce qu’un individu est raisonnablement en droit d’attendre quant
au respect de sa vie privée peut constituer un facteur significatif, quoique
pas nécessairement décisif (Perry, précité, § 37). Une personne marchant
dans la rue sera forcément vue par toute autre personne qui s’y trouve
aussi. Le fait d’observer cette scène publique par des moyens techniques
(par exemple un agent de sécurité exerçant une surveillance au moyen
d’un système de télévision en circuit fermé) revêt un caractère similaire
(voir également Herbecq et Association « Ligue des droits de l’homme »
c/ Belgique, nos 32200/96 et 32201/96, décision de la Commission du 14 janvier 1998, décisions et rapports (DR) 92-B, p. 92, concernant l’utilisation
de systèmes de prise de vue sans enregistrement des données visuelles
recueillies). En revanche, la création d’un enregistrement systématique ou
permanent de tels éléments appartenant au domaine public peut donner
lieu à des considérations liées à la vie privée. (P.G. et J.H. c/ Royaume-Uni,
précité, § 57, Peck, précité, §§ 58-59, et Perry, précité, § 38).
45. Parmi les autres éléments, la Cour a pris en considération à
cet égard si des informations avaient été recueillies sur une personne
bien précise, si des données à caractère personnel avaient été traitées ou
utilisées et si les éléments en question avaient été rendus publics d’une
manière ou dans une mesure excédant ce à quoi les intéressés pouvaient
raisonnablement s’attendre.
46. Aussi la Cour a-t-elle estimé que la collecte et la conservation
systématiques d’informations par des services de sécurité sur certains
individus, même sans recours à des méthodes de surveillance secrète,
constituaient une ingérence dans la vie privée de ces personnes (Rotaru
c/ Roumanie [GC], n° 28341/95, §§ 43-44, CEDH 2000-V, P.G. et J.H.
c/ Royaume-Uni, précité, § 57, Peck, précité, § 59, et Perry, précité, § 38,
comparer aussi avec Amann c/ Suisse [GC], n° 27798/95, §§ 65-67, CEDH
2000-II, arrêt dans lequel la Cour a estimé que la conservation d’informations relatives au requérant sur une fiche dans un dossier constituait une
ingérence dans la vie privée de l’intéressé, même si cette fiche ne contenait aucun élément sensible et n’avait probablement jamais été consultée). La Cour a également invoqué à cet égard la Convention du 28 janvier 1981, élaborée au sein du Conseil de l’Europe, pour la protection des
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