Études et documents
des courriers. À l’époque, l’établissement d’enseignement qui employait la
requérante n’avait pas de politique de surveillance. En outre, le droit anglais
ne garantissait pas le droit général à la protection de la vie privée, bien que
des textes de loi fussent par la suite introduits en vue de la réglementation de l’interception de communications et des conditions dans lesquelles les employeurs pouvaient enregistrer ou surveiller les communications
de leurs employés sans le consentement de ceux-ci.
En droit : L’établissement d’enseignement en question est un organe public
dont les actes engagent la responsabilité de l’État aux fins de la Convention.
La question a donc trait à l’obligation négative de l’État de ne pas porter
atteinte à la vie privée et à la correspondance de la requérante. Portée de la
notion de vie privée – Les appels téléphoniques passés depuis des locaux
professionnels sont de prime abord couverts par les notions de « vie privée » et de « correspondance ». Il s’ensuit logiquement que les courriers
électroniques envoyés depuis le lieu de travail devraient bénéficier d’une
protection analogue, tout comme le devraient les renseignements provenant de la surveillance de l’utilisation personnelle d’Internet. La requérante
n’avait pas été avertie que ses appels risquaient d’être surveillés et elle
pouvait donc légitimement penser que les appels passés depuis le téléphone de son lieu de travail étaient confidentiels. Elle avait probablement
le même sentiment quant à son courrier électronique et à l’utilisation d’Internet. Ingérence – Le simple fait que l’établissement d’enseignement ait
pu se procurer en toute légitimité les données, sous la forme de factures
de téléphone, n’empêche pas de conclure à une ingérence. Peu importe
également que ces renseignements n’aient pas été divulgués à des tiers
ou utilisés contre la requérante dans une procédure disciplinaire ou autre.
La collecte et la conservation, à l’insu de la requérante, d’informations personnelles concernant son utilisation du téléphone, du courrier électronique et d’Internet constituent par conséquent une ingérence dans l’exercice
par l’intéressée de son droit au respect de sa vie privée et de sa correspondance. « Prévue par la loi » – Pour remplir l’exigence de prévisibilité,
la loi doit user de termes assez clairs pour indiquer à tous de manière
suffisante en quelles circonstances et sous quelles conditions elle habilite la puissance publique à prendre les mesures concernées. L’argument
du Gouvernement selon lequel l’établissement concerné était autorisé, en
vertu de ses prérogatives légales, à prendre « toute mesure nécessaire ou
opportune » aux fins de dispenser un enseignement supérieur et postscolaire n’est pas convaincant. En outre, le Gouvernement n’avance pas qu’à
l’époque des faits le droit interne général ou les textes statutaires de l’établissement d’enseignement concerné renfermaient une disposition régissant les circonstances dans lesquelles les employeurs pouvaient surveiller
l’utilisation faite par les employés du téléphone, du courrier électronique et d’Internet. Par conséquent, tout en laissant ouverte la question de
savoir si la surveillance de l’utilisation faite par un employé du téléphone,
du courrier électronique ou d’Internet sur son lieu de travail peut passer
pour « nécessaire dans une société démocratique » dans certaines situations à la poursuite d’un but légitime, la Cour conclut qu’en l’absence, à
l’époque des faits, de toute loi au niveau interne régissant la surveillance,
l’ingérence n’était pas « prévue par la loi ».
Conclusion : violation (unanimité). Article 41 – 3 000 euros pour préjudice
moral.
105