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V. L’IMPACT DE LA JURISPRUDENCE EUROPÉENNE SUR L’ACTIVITÉ DES
SERVICES DE RENSEIGNEMENT ET LE PROJET DE LOI RELATIF À LA
PRÉVENTION D’ACTES DE TERRORISME ET AU RENSEIGNEMENT
C’est sous la pression des cours européennes, et malgré la résistance des
cours nationales, que le cadre légal encadrant les activités de renseignement a été
développé en France. La jurisprudence européenne a ainsi permis un développement
du contrôle sur l’activité des services de renseignement. La question de l’équilibre
entre les droits issus des traités tels qu’interprétés par les juges et la garantie des intérêts
fondamentaux de la nation se pose cependant face aux exigences croissantes des
cours. Si elles imposent aux autorités nationales de continuer à renforcer les garanties
en matière de recours aux techniques de renseignement, les arrêts rendus par la cour
européenne des droits de l’homme et surtout par la cour de justice de l’Union
européenne au cours des dernières années semblent atteindre les limites du contrôle
possible sans remettre en cause les compétences régaliennes de l’État.
A. UNE JURISPRUDENCE DE LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE
L’HOMME FONDÉE SUR LE RESPECT DE LA VIE PRIVÉE
L’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme consacre le
« droit au respect de la vie privée et familiale ». Il dispose que :
« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son
domicile et de sa correspondance.
« 2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de
ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue
une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité
nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de
l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de
la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »
C’est sur ce fondement que la Cour a très tôt exigé qu’un cadre légal soit
fixé pour encadrer les ingérences dans la vie privée induites par la mise en œuvre
d’activités de surveillance. Pour le juge de Strasbourg, la loi non seulement doit
exister (que ce soit sous forme d’un texte ou d’une jurisprudence uniforme et
constante), mais il faut encore qu’elle présente une certaine « qualité ». Cette notion
de « qualité de la loi » est ancienne et figure déjà dans les arrêts Klass du 6 sept.
1978 et Malone du 2 août 1984. « Elle signifie que la loi doit remplir certains
caractères qui sont l’accessibilité et la prévisibilité. Ce dernier mot veut dire que
la loi doit user de termes clairs « pour indiquer à tous, de manière suffisante, en
quelles circonstances et sous quelles conditions elle habilite la puissance publique
à opérer pareille atteinte secrète et virtuellement dangereuse au droit au respect de
la vie privée et de la correspondance » (arrêt Malone), ou employer des termes