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méconnaissance tant du fonctionnement même des services de renseignement
nationaux que de celui de l’Union européenne.
A. LE MIRAGE D’UNE CIA EUROPEENNE
1. Une intégration plus poussée se heurte à la primauté des
souverainetés nationales

Le facteur principal qui entrave l’émergence d’un authentique
renseignement européen institutionnalisé est lié à une réalité politique simple :
l’absence de confiance, voire la méfiance et parfois même la défiance entre les
États sur des sujets qui touchent à des intérêts nationaux stratégiques. Si le
partage est la règle s’agissant des activités de contre-terrorisme, tout ce qui a
trait à la contre-prolifération et au contre-espionnage demeure très largement
du ressort national. L’échange de renseignements entre services doit se faire
en cohérence avec les grandes lignes de la diplomatie nationale, tout en
prenant en compte les exigences pratiques de la coopération bilatérale ou
multilatérale. C’est pourquoi les services de renseignement donneront toujours
la priorité aux échanges bilatéraux de nature opérationnelle, car ce sont ceux
qui garantissent la meilleure protection des sources humaines et techniques ;
et c’est là une condition sine qua non du succès des opérations de
renseignement et de la capacité de tout service à se faire reconnaître comme
partenaire légitime au sein de la communauté internationale du renseignement
pour pouvoir continuer à échanger.
La DGSI assure que si les échanges d’informations entre les services
de renseignement fonctionnent très bien, c’est justement parce qu’ils
s’effectuent en dehors du cadre institutionnel des structures européennes. La
DGSI considère même que c’est l’excellence de la coopération entre services
qui avait rendu inutile, dès la rédaction du Traité sur l’Union européenne,
l’attribution à l’Union d’une compétence en matière de sécurité nationale et,
par voie de conséquence, de renseignement de sécurité intérieure.
La question d’une intégration européenne renforcée des services de
renseignement renvoie somme toute à une réflexion sur deux sujets : d’une
part, la juste application du principe de subsidiarité et d’autre part
l’articulation entre l’affirmation des souverainetés nationales et la recherche
d’une souveraineté européenne.
Le principe de subsidiarité, s’il est correctement appliqué, veut qu’une
décision soit prise à l’échelon le plus pertinent pour en assurer la meilleure
efficacité. Appliquée à la coopération entre services de renseignement, deux
approches de la subsidiarité sont envisageables : celle d’une intégration
verticale (« top-down ») ou alors d’une intégration verticale (« bottom-up »).
Cette dernière supposerait l’existence d’un leadership, assuré soit par un État

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