De l’interception
de correspondances
à l’interception
de données électroniques ?
Virginie PELTIER
Maître de conférences à l’université-Montesquieu Bordeaux IV,
Institut des sciences criminelles et de la justice (EA 4601)
Avec les progrès fulgurants de nouvelles méthodes de communication offrant quasi instantanément d’échanger messages et données
d’un endroit à l’autre de la planète, auxquels se sont vite habitués les
acteurs la criminalité organisée, les dispositions relatives aux interceptions 1 de correspondances ne suffisent plus à assurer un contrôle efficace
des échanges entre délinquants. Les causes sont doubles et tiennent,
d’une part, à la relative imprécision de la notion de correspondance 2
et, d’autre part, à la nécessité d’installer dans notre procédure pénale
d’autres formes de surveillance, afin d’assurer le contrôle de données
non issues de correspondances 3.
1) Judiciaires ou de sécurité.
2) Pour un exemple jurisprudentiel : Cass. crim., 16 oct. 2012 : Bull. crim. no 216, Comm.
com. électr. 2013, no 29, obs. A. Lepage, Rev. pénit. 2013, p. 377, obs. P. Conte. Voir aussi
V. Peltier, Les enjeux de la protection du secret des correspondances : (bref) bilan et perspectives : XXe rapport de la CNCIS, 2012, p. 23-28. Les forums, chats ou autres échanges
sur les réseaux sociaux posent de ce point de vue d’épineuses difficultés, de même que
les données techniques de communications, produites à l’occasion d’une correspondance
et détenues par les opérateurs de télécommunications (par exemple, nom des correspondants, numéro de la ligne servant à l’appel, durée de la communication, etc.). De même,
un enquêteur qui introduit un « mouchard » dans un ordinateur pour capter des données
informatiques (CPP, art. 706-102-1s), et prend ainsi connaissance d’un courriel, procède à
une interception de correspondance (CPP, art. 100s).
3) Sur la question posée par le recours à la géolocalisation, cf. infra no 4. De même, la récupération de messages réservés sur le compte facebook d’un individu ne peut se fonder sur
les articles 100s du Code de procédure pénale, faute de correspondance. Mais elle pourrait
s’effectuer grâce à une procédure destinée à permettre d’intercepter ce que l’on pourrait
appeler des « données électroniques réservées » (pour désigner des données qui ne sont
pas accessibles à tout le monde).
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