Contributions
Il nous semble que ces trois textes partagent une logique commune. Ce sont en effet les impératifs de la sécurité nationale dont l’État
est le garant qui justifient le recours à ce moyen dérogatoire de l’interception de sécurité et qui font l’objet d’une protection pénale particulière. Dès lors, l’objectif d’intelligibilité du droit (souvent rappelé par
le Conseil constitutionnel) ainsi que de sa cohérence nous invite à une
nouvelle rédaction de l’article 3 qui renverrait explicitement aux deux
autres textes du Code pénal et du Code de la défense. Sans vouloir ici se
lancer dans un exercice rédactionnel approfondi, on pourrait imaginer
que l’article vise désormais les « interceptions justifiées par un motif de
sécurité nationale touchant à la protection des intérêts fondamentaux
de la nation et en particulier à la sauvegarde des éléments essentiels
du potentiel scientifique et économique de la France, ou à la prévention
du terrorisme, de la criminalité et de la délinquance organisées et de la
reconstitution ou du maintien de groupements dissous en application de
l’article L. 212-1 du Code de la sécurité intérieure ». En croisant la sécurité
nationale (qui ne serait plus un domaine parmi d’autres, mais le facteur
commun qui – comme l’indique le Code de la défense – vise à « identifier
l’ensemble des menaces et des risques susceptibles d’affecter la vie de
la Nation ») et les domaines couverts par l’article 410-1 du Code pénal,
on affirmerait mieux l’exigence d’une motivation en relation directe avec
ces seuls intérêts nationaux majeurs (par différence avec les interceptions judiciaires qui peuvent, pour leur part, se prévaloir des motifs de
sûreté publique ou de défense de l’ordre et de prévention du crime, également prévus par l’article 8 CEDH) tandis que le rappel des domaines
précédemment visés en 1991 préserverait les motifs traditionnels du
recours aux interceptions sans exclure tout à fait qu’un autre intérêt fondamental de nation puisse également être invoqué.
Au-delà de la révision des motifs, une autre évolution renforçant
l’État de droit paraît aujourd’hui prête à rentrer dans notre droit positif.
Il s’agirait de conférer à la commission de contrôle indépendante un réel
pouvoir d’autorisation et non plus seulement consultatif. On sait en effet
que les avis supposés consultatifs de la CNCIS sont dans leur immense
majorité suivis par le Premier ministre et – surtout – qu’en réalité la procédure mise en œuvre n’est plus aujourd’hui une procédure d’intervention a posteriori (comme le prévoyait la lettre de la loi de 1991) mais une
procédure d’examen a priori, laquelle « a transformé de facto, le pouvoir
de recommandation en un quasi-pouvoir de décision » comme le soulignait
l’ancien président Dewost dans le rapport 2011-2012 de la CNCIS (p. 12).
Mettre ainsi le droit en accord avec le fait aurait là encore des avantages de cohérence et de clarté tout en renforçant le caractère incontestable de notre procédure nationale au regard des impératifs toujours
plus stricts de la jurisprudence, européenne en particulier. Cela n’empêcherait pas la nouvelle loi de prévoir que le Premier ministre puisse en
cas d’urgence et pour un motif d’intérêt national particulier, obtenir un
réexamen rapide de la demande et, dans l’intervalle, une suspension
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