Études et documents
“la balance des intérêts en présence, à savoir, d’une part, la protection
des sources et de l’autre, la prévention et la répression d’infractions, a
été préservée”, cette juridiction ajoutant que “les considérations dont les
institutions de la Convention doivent tenir compte font pencher la
balance des intérêts en présence en faveur de la défense de la liberté de
la presse dans une société démocratique ; que le législateur, s’inspirant
des principes énoncés par la Cour européenne, a entendu protéger les
sources des journalistes des atteintes tant directes qu’indirectes, comme
celles consistant pour un magistrat à rechercher l’origine des informations détenues par un journaliste en recourant à des réquisitions pour
obtenir ses relevés téléphoniques mettant en évidence les personnes
avec lesquelles il a été en contact et qui ont constitué de possibles
sources ; que les travaux parlementaires ont abordé expressément l’utilisation de ce procédé qui ne peut être légitimement motivée que par un
impératif prépondérant d’intérêt public et justifiée par la nécessité d’une
telle mesure, ces deux conditions étant cumulatives ; que le législateur a
entendu également faire figurer dans l’article 2 précitée in fine, l’interprétation qu’il entendait donner à ces exigences en précisant, qu’au cours
d’une procédure pénale, il devait être tenu compte, pour apprécier la
nécessité de l’atteinte portée à la protection des sources, de la gravité du
crime ou du délit, de l’importance de l’information recherchée pour la
répression ou la prévention de cette infraction et du fait que les mesures
d’investigations envisagées sont indispensables à la manifestation de la
vérité ; qu’en outre, il a complété l’article 60-1 du Code de procédure
pénale d’une disposition sanctionnant par la nullité le versement au dossier des éléments obtenus par une réquisition qui serait prise en violation de l’article 2 de la loi sur la liberté de la presse ; qu’en l’espèce,
l’instruction a été ouverte par le procureur de la République du chef de
violation du secret de l’instruction à la suite de la plainte déposée par
Mme X…, laquelle déduisait de l’examen comparatif de la chronologie
de son placement en garde à vue et de celle des articles parus dans le
journal Sud-Ouest que les informations publiées par les journalistes sur
l’objet et le déroulement de l’enquête ne pouvaient provenir que de policiers ou de magistrats ; que les réquisitions, qui avaient pour objet de
porter indirectement mais nécessairement une atteinte au droit éminent
des journalistes concernés à ne pas révéler leurs sources, ont donc été
délivrées dans le cadre d’une information ouverte à partir des seules
conjectures d’une plainte invoquant des « fuites » d’informations relatives à un placement en garde à vue et au déroulement de l’enquête ;
qu’à supposer que la répression d’une infraction pénale soit toujours
considérée comme un but légitime, il convient de souligner qu’en l’espèce, les actes ont porté sur la dénonciation par un particulier de la
simple probabilité de la commission d’un délit de violation du secret de
l’instruction, déduite de la succession à délai très rapproché d’un placement en garde à vue et d’informations parues dans la presse ; que, dans
un tel contexte, la première condition à la légalité d’une atteinte portée
au secret des sources, telle que l’a fixée restrictivement le législateur, à
savoir l’existence d’un impératif prépondérant d’intérêt public qui la
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