CNCIS – 21e rapport d’activité 2012-2013
« Aux motifs que, par commission rogatoire du 12 novembre 2009,
en exécution de l’arrêt de la chambre de céans du 22 octobre précédent
ordonnant un supplément d’information, le juge d’instruction délégué a
saisi l’Inspection générale de la Police nationale aux fins de requérir les
différents opérateurs téléphoniques aux fins de déterminer de quelles
lignes téléphoniques étaient titulaires MM. Y… et A…, journalistes du
quotidien Sud-Ouest, entre les 20 janvier et 5 février 2007, d’obtenir les
facturations détaillées correspondant à ces numéros et de retranscrire
les CD-Roms des factures détaillées obtenues dans le cadre des commissions rogatoires précédentes ; que figurent au dossier de la procédure
(cote E 9, annexe 8, et E 10, annexe 1 à 6) les procès-verbaux des 6 août
2010 et 11 août 2011 auxquels sont jointes les retranscriptions des appels
émis et reçus par les journalistes pour la période du 22 janvier au 5 février
2007 ainsi que les diverses réquisitions adressées par les policiers aux
opérateurs de téléphonie afin d’obtenir la facturation détaillée de lignes
attribuées à ces journalistes (E 11 à E 14) ; que la loi du 4 janvier 2010 a
tendu à renforcer la protection des sources des journalistes ; que l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 énonce à présent : “ il ne peut être porté
atteinte directement ou indirectement au secret des sources que si un
impératif prépondérant d’intérêt public le justifie et si les mesures envisagées sont strictement nécessaires et proportionnées au but légitime
poursuivi” ; qu’il sera rappelé que la Cour européenne des droits de
l’homme, depuis longtemps et de manière constante, en soulignant que
la liberté d’expression représente l’un des fondements essentiels d’une
société démocratique et que les garanties accordées à la presse revêtent
une importance particulière, considère que la protection des sources
journalistiques constitue l’une des pierres angulaires de la liberté de la
presse et que toute ingérence, toute atteinte ou toute limitation apportée
à la confidentialité des sources des journalistes ne saurait se concilier
avec l’article 10 de la CEDH, d’où résulte le droit pour un journaliste de ne
pas révéler ses sources, que si elle se justifie par un impératif prépondérant d’intérêt public et qu’elle est nécessaire, que la restriction est proportionnelle au but légitime poursuivi (CEDH, 27 mars 1996, B…c.
Royaume-Uni, no 39 et s. ; 25 février 2003, C… et D… c. Luxembourg,
no 46 à 60 ; 15 juillet 2003, F…c. Belgique ; 27 février 2008 G…c. Belgique,
no 53 à 68, Sonoma Z… c. Pays-Bas, 14 septembre 2010 no 90 à 100) ;
qu’ainsi que le rappelle également la Cour européenne, le droit des journalistes à taire leurs sources ne saurait être considéré comme un simple
privilège qui leur serait accordé en fonction de la licéité ou de l’illicéité
des sources mais représente un véritable attribut du droit à l’information, à traiter avec la plus grande circonspection (G… c/ Belgique précité
no 65) ; qu’elle ajoute que l’autorité publique doit démontrer que la
balance des intérêts en présence, à savoir, d’une part, la protection des
sources, pierre angulaire de la liberté de la presse dans une société
démocratique, d’autre part, la prévention et la répression d’infractions, a
été préservée (décisions précitées) ; que la méthode d’analyse dont a usé
la CEDH dans ses décisions précitées (B…, § 45, C… § 58 précités), a
consisté à déterminer avec une particulière circonspection si, in concreto,
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